[N°647] - Le quitus

par David Rodrigues - Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV).
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Mais à quoi peut bien correspondre le quitus ? Si les syndics sont nombreux à y apporter de l’importance, les copropriétaires à méconnaître la portée réelle de cet acte le sont tout autant. Ironie de l’histoire, à aucun moment les textes relatifs à la copropriété n’abordent la question du quitus…

Notion de quitus.- Le quitus résulte d’une pratique trouvant sa source dans les relations entre le syndic et le syndicat des copropriétaires. Il ne faut pas oublier que ces deux entités sont liées par un contrat, un mandat plus précisément, certes obéissant à une règlementation particulière, mais un mandat avant tout. De fait, le quitus consiste pour le syndic à demander à son mandant de le tenir «quitte» de sa gestion. Autrement dit, il va demander à l’assemblée d’attester de la régularité de sa gestion et, de façon plus générale, du bon accomplissement de sa mission.

Quitus et approbation des comptes.- Le quitus et l’approbation des comptes sont souvent confondus. Il est vrai qu’il s’agit ici de véritables «leitmotiv» au sein des assemblées générales tant ces résolutions semblent constituer des passages obligés. Du moins en apparence. Car le quitus n’est nullement indispensable, contrairement à l’approbation des comptes, condition sine qua non pour procéder à la régularisation des charges et clore l’exercice.
La question se pose alors de savoir si ces deux notions ont des portées respectives bien distinctes et, le cas échéant, si l’une prévaut sur l’autre. Autrement dit, le fait d’attribuer le quitus emporte-t-il d’office approbation des comptes, ou inversement ? Le quitus constituant un satisfecit de l’ensemble de la gestion du syndic, nous pourrions en déduire qu’il emporte approbation des comptes également. En fait, cela semble un peu plus complexe.
Tout d’abord, il convient de ne pas oublier que l’assemblée générale ne prend de décision valide que sur les questions inscrites à l’ordre du jour (art. 13 décret du 17 mars 1967). Permettre donc l’approbation des comptes alors même que l’ordre du jour ne prévoit pas expressément ce point serait peu orthodoxe d’un point de vue juridique. Par ailleurs, la jurisprudence est venue apporter quelques précisions.
Dans une affaire, l’assemblée générale s’était prononcée, par une résolution unique, sur l’approbation des comptes et le quitus. Abstraction faite de la double question soumise aux copropriétaires, les juges ont considéré que l’approbation des comptes emportait quitus (CA Paris, 14 nov. 2001). Une décision un peu surprenante en raison de l’absence d’unicité des résolutions, chaque point devant faire l’objet d’un vote distinct (Cass. 3e civ., 11 mars 1998). Peut-être les juges ont-ils considéré ici que le lien de connexité entre ces deux points était suffisant pour autoriser un vote unique.
Et lorsque les copropriétaires se prononcent par deux résolutions distinctes, il a été jugé que l’annulation de l’approbation des comptes entrainait d’office annulation du quitus. Dans ce cas d’espèce, l’annulation de l’approbation des comptes résultait du défaut de communication des documents comptables aux copropriétaires. Les juges ont alors considéré que le quitus n’était plus valable, les copropriétaires n’ayant pas été suffisamment informés pour statuer sur ce point (CA Paris, 29 mars 2001). A contrario, une annulation de l’approbation des comptes pour un problème de majorité ou d’absence de diminution des voix d’un mandataire excédant le seuil maximum autorisé (seuil qui est désormais de 10 % des voix du syndicat depuis la loi ELAN),par exemple, pourrait ne pas entraîner d’office une annulation du quitus.

Le vote du quitus.- Le quitus, comme l’approbation des comptes d’ailleurs, est voté à la majorité de l’article 24, c’est-à-dire à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Pour éviter tout litige, il est préférable de ne pas fusionner cette résolution avec l’approbation des comptes et de procéder par deux votes distincts.

Les effets du quitus.- Le quitus a un effet exonératoire. Autrement dit, l’accorder consiste à valider la gestion du syndic dans son ensemble, y compris les éventuelles fautes commises portées à la connaissance des copropriétaires. Ainsi, les actes d’un syndic excédant ses pouvoirs ne peuvent plus être contestés dès lors que l’assemblée générale en a été informée (CA Paris, 27 janv. 1995).
En revanche, en cas de manœuvres du syndic, lorsque celui-ci dissimule certaines informations (recours contentieux intenté contre la copropriété par exemple), alors ces actes ne sont nullement couverts.
Le quitus accordé au syndic le décharge de toute responsabilité (sous les réserves vues supra) de sorte que la copropriété ne pourra intenter de recours à son encontre ultérieurement. Mais cette décision s’impose également aux copropriétaires. Il a en effet été jugé que le quitus les empêche de rechercher individuellement la responsabilité du syndic (CA Paris, 21 oct. 1996). Sauf à démontrer subir un préjudice spécifique et propre à certains copropriétaires uniquement. Autrement dit, si des erreurs de gestion couvertes par le quitus aboutissent à une augmentation des charges, alors un copropriétaire ne pourra plus engager la responsabilité du syndic pour exiger un dédommagement à hauteur de sa quote-part. Il faut pouvoir justifier d’un préjudice personnel et distinct de celui des autres copropriétaires (erreur d’imputation des charges par exemple).
L’absence de quitus n’a pas d’impact sur le contrat du syndic. Il peut donc lui être refusé sans que cela ne l’oblige à démissionner pour autant. A noter que certaines copropriétés ne mentionnent nullement la question du quitus à l’ordre du jour sans que cela ne trouble outre mesure leur gestionnaire. D’autres syndics, en revanche, y demeurent attachés. Tout est question de confiance. Sur ce point, n’oublions pas que l’ordre du jour doit être établi en collaboration avec le conseil syndical.