Copropriété : Action en révision d’une répartition lésionnaire des charges

par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit
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Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

Pour lutter contre le risque d’une répartition de charges lésionnaire, le législateur a imposé aux rédacteurs de règlements de copropriété d’y indiquer la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges (L. 65, art. 10, al. 3).

Malgré cela, restent les hypothèses d’erreur, de faute, ou simplement d’absence de modification des règlements anciens.

C’est pourquoi il est encore possible pour un copropriétaire d’être confronté à une répartition lésionnaire, sans pour autant que celle-ci ne soit contraire aux dispositions d’ordre public de la loi de 1965.

article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020

Faute de trouver un accord avec la collectivité à laquelle il appartient, il peut envisager de recourir à l’action en révision de la répartition des charges si les conditions d’ouverture sont réunies (L. 65, art. 12) :

• d’abord, le demandeur doit pouvoir prouver que la répartition des charges emporte un déséquilibre de plus du quart de la répartition qui aurait été établie conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi (Civ. 3e, 19 fév. 2002, n° 00-14.875). Ce peut être le cas en cas d’inversion de surfaces entre deux lots (Civ. 3e, 17 juin 2009, n° 08-16.324) ou bien d’erreur sur le quantum de pondération (Civ. 3e, 12 janv. 2000, n° 98-16.848) ;

• ensuite, contrairement à l’action en nullité de la répartition que l’on dit imprescriptible, l’action en révision est enfermée dans des délais préfix. Soit l’action doit être exercée dans un délai de cinq ans à compter de la publication du règlement, soit dans un délai de deux ans à compter de la première mutation à titre onéreux du lot intervenue depuis la publication. Le non-respect de ce délai constitue une fin de non-recevoir (Civ. 3e, 2 juin 1981, n° 80-11.635) qui devra être soulevée, depuis la réforme de la procédure civile de 2019, avant le des-saisissement du juge de la mise en état (art. 789 CPCiv) ;

• enfin, contrairement à l’action visant à annuler des droits réels immobiliers, la demande en révision n’a pas à faire l’objet d’une publication au fichier immobilier (Civ. 3e, 21 nov. 2000, n° 99-14.614).

Si les conditions précitées sont réunies, il faut alors déterminer contre qui intenter la procédure :

• si la part du demandeur est supérieure à plus d’un quart de celle qui résulterait de la répartition de l’article 10 de la loi, l’action doit être intentée contre le syndicat (d. 67, art. 52) ;

• si c’est en raison de l’infériorité de la part de charges d’un copropriétaire que l’action est intentée, alors elle devra l’être contre lui. Dans ce cas, le syndicat devra être appelé en cause sous peine d’irrecevabilité de l’action (d. 67, art. 53).

Dans les deux cas, la procédure sera portée devant le tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble, sans qu’il y ait besoin comme en matière de rescision pour lésion de ventes d’immeubles (art. 1677 C.Civ.) de commettre préalablement et judiciairement un expert. Tout copropriétaire pourra intervenir personnellement dans l’instance. Le syndic, comme les copropriétaires parties à l’instance, pourra par ailleurs requérir du président du tribunal judiciaire la désignation d’un mandataire ad hoc en cas «d’oppositions d’intérêts» entre les copropriétaires qui ne sont pas demandeurs (d. 67, art. 54). Surtout, le syndic devra informer tous les copropriétaires de l’objet de l’instance en cours (d., 67 art. 59).

Enfin, si le juge accueille la demande, une nouvelle répartition devra être imposée par lui et vaudra à compter de sa décision. En cas d’appel, si le jugement est confirmé dans toutes ses dispositions, la nouvelle répartition aura pour date d’effet le jugement de première instance (Civ. 3e, 23 avr. 1992, n° 89-21.086).

Pierre-Edouard Lagraulet

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit