[N°656] - Le contentieux en copropriété : Les écueils de la procédure judiciaire d’autorisation des travaux de l’article 30

par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit
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L'article 30 de la loi de 1965 offre une formidable opportunité aux copropriétaires volontaires mais contrariés dans leur projet de travaux par l’assemblée générale. Afin de bénéficier de la procédure de cet article, il faudra que la personne, ou le groupe de personnes, qui entend en bénéficier soit copropriétaire, qu’il les finance, que les travaux soient véritablement de nature à « améliorer » l’immeuble, sans qu’il ne soit nécessaire que l’amélioration soit utile à tous, qu’ils soient conformes à la destination de l’immeuble et qu’ils restent à exécuter.

Les règles d’engagement de la procédure ignorées par l’article sont les suivantes :

• Le tribunal compétent est le tribunal judiciaire, mais depuis l’unification des juridictions civiles la réponse s’en est trouvée simplifiée. Il est celui du lieu de situation de l’immeuble (art. 60, décret du 17 mars 1967).

• L’assignation doit être délivrée par principe au fond contre le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic. Les conseils se garderont d’assigner le syndic lui-même, afin d’éviter de faire durer la procédure et d’engager des frais supplémentaires à leurs clients.

Il est possible d’envisager l’assignation en référé en cas d’urgence, telle que, par exemple, la nécessité de procéder à l’alimentation en eau d’un logement.

Point intéressant de la procédure : la demande ne consistant pas en une annulation de la résolution d’assemblée générale, elle n’a pas à être introduite dans le délai préfix de deux mois prévus par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 suivant l’assemblée ayant refusé les travaux d’amélioration.

Enfin, il est nécessaire de porter une grande attention à certaines caractéristiques de la demande afin d’éviter les risques d’échec :

Il ne faudra jamais demander la nullité de la résolution. C’est un premier écueil déguisé en tentation car, de prime abord, l’annulation de la résolution rejetant les travaux permettrait d’envisager la réalisation des travaux par le syndicat, plutôt que par le copropriétaire. Dans ce cas, le juge ne peut plus autoriser la réalisation des travaux puisqu’ils n’ont pas été empêchés du fait de l’annulation de la résolution.

Le projet de travaux devra ensuite réunir de deux qualités essentielles afin de pouvoir emporter la conviction du juge :

- le projet devra en principe être identique à celui présenté à l’assemblée générale du syndicat. Il a toutefois été précisé par la Cour de cassation que l’identité des projets n’avait pas à être totale et pouvait présenter quelques évolutions limitées de nature qualitative et esthétique, visant à répondre de façon concrète et constructive aux critiques du syndicat des copropriétaires et aux exigences de l’autorité administrative ;

- le projet devra être suffisamment détaillé afin d’éviter l’ordonnance d’une expertise ou le simple rejet des prétentions du copropriétaire demandeur. Le syndicat qui a refusé les travaux pourrait utilement invoquer les imprécisions du projet ou les risques qu’ils comportent pour la structure ou la sécurité de l’immeuble.

En conséquence, l’amélioration doit être précisément et complètement envisagée afin de ne laisser aucun détail, où le diable se cache avec ardeur.

Si la procédure de l’article 30 est une formidable opportunité d’expiation, il ne faut pas se leurrer : à la vue des précisions à apporter et des débats, parfois byzantins, qui peuvent s’instaurer entre parties, cette procédure n’en demeure pas moins un chemin de patience, si ce n’est de pénitence !

 

Pierre-Edouard Lagraulet,
Docteur en droit