Le changement impacte la gestion de la copropriété mais n’est pas encore généralisé.
«Près de 30 % des convocations et des informations relatives aux assemblées générales de copropriété envoyées par voie postale ne sont pas retirées par les copropriétaires», signalent, en janvier 2024, les rapporteurs de la commission des affaires économiques dans le cadre de l’examen du projet de loi initial relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement. Dans la foulée, la loi du 9 avril 2024 modifie l’article 42-1 de la loi de 1965 : les convocations à l’assemblée générale des copropriétaires sont envoyées par voie électronique, sauf refus express du copropriétaire.
Bien informer les copropriétaires et adapter le fonctionnement des copropriétés aux nouvelles technologies sont les deux objectifs. En ligne de mire, l’amélioration de «la prévention de la dégradation des copropriétés» et du «pouvoir d’achat [des] copropriétaires», ainsi qu’«un gain écologique». Un an après la loi, comment les syndics et les copropriétaires voient-ils la chose ?
Canaux d’information
Globalement, la satisfaction est au rendez-vous d’autant que l’envoi recommandé postal reste possible – pour 10 à 25 % des copropriétaires en moyenne. La lettre recommandée électronique (LRE) présente toutes les garanties juridiques dès lors que le système d’envoi est fiabilisé par le recours à un prestataire agréé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), que les adresses sont vérifiées et les spams maîtrisés.
Côté copropriétaires, l’information de cette nouvelle façon de faire circule plus ou moins bien. Président du conseil syndical de la résidence Le Nymphéa à Lyon, Hervé Tissot a «appris tout à fait par hasard cette procédure», en recevant un courriel du prestataire le convoquant à l’assemblée générale. Le syndic, Foncia, n’a ni informé les copropriétaires de ce nouveau mode de fonctionnement, ni respecté le troisième alinéa de l’article 42-1 prévoyant l’information, par le syndic, des moyens offerts aux copropriétaires pour conserver l’information par voie postale. À Meudon-la-forêt (92), ce même syndic, gérant de 2 650 logements, «a envoyé les convocations uniquement en lettre recommandée papier», mentionne Florence Guérin, copropriétaire.
L’adhésion à une association peut alors aider. L’Union régionale des copropriétaires et des colotis (URCC) Ouest a, par exemple, «prévenu l’ensemble de [ses] adhérents, les incitant à saisir la réunion d’AG pour passer plus largement l’information», expose Bernard Lancien, son président. A Clamart (92), c’est la lettre mensuelle de l’Association des responsables de copropriétés (ARC) qui a donné le tuyau à Véronique Collon, présidente du conseil syndical de la résidence La Cerisaie.
Mise en œuvre
Les modalités de mise en œuvre de la LRE sont variables. Dès 2024, Loiselet & Daigremont a informé les copropriétaires de la notification électronique, via «une grande campagne d’information pendant les assemblées générales, par e-mailings et notes d’informations». Le cabinet Taboni à Nice (06) a «adressé un courriel à tous les copropriétaires en faisant référence aux dispositions légales». Cotoit a placardé l’information dans les parties communes et adressé des lettres recommandées avec AR. À la régie Franchet de Lyon, il a été décidé «de ne pas mettre en place cette modification dès avril 2024, en raison des atermoiements passés sur ce dispositif. Les assemblées 2025 permettent de communiquer sur cette modification de flux pour les convocations».
Le cabinet André Griffaton à Paris a procédé différemment selon les copropriétés, toutes informées par la lettre d’information trimestrielle jointe aux appels de charges. Dans certaines, «le principe de l’envoi en format papier a été conservé, avec la possibilité d’une réception électronique», explique François-Emmanuel Borrel, son président. «En revanche, là où les contraintes financières sont importantes, la clientèle plus récente et réceptive aux nouvelles solutions, nous avons appliqué la nouvelle réglementation.» Sergic, syndic d’une copropriété à Chaville (92), procède toujours par courrier postal pour les résolutions, le pouvoir et le formulaire de vote par correspondance mais dépose les annexes à consulter sur l’intranet.
Atouts et faiblesses
Trop tôt pour savoir si cette disposition va influer sur la prévention de la dégradation des copropriétés … l’argument n’est en tout cas pas repris par les syndics. Celui de la résidence des Hauts-de-Sèvres (92), Atrium Gestion, synthétise en trois points les avantages de la LRE : «mise à disposition immédiate et temps de réflexion allongé, gain de temps et praticité, gain économique et écologique pour le syndicat des copropriétaires». Renaud Franchet, associé-gérant de la régie Franchet, retient un «argumentaire pratique», ne rentrant pas dans «les arguments écologiques, le mail et la data étant très consommateurs d’énergie.»
Quels que soient les effets attendus, un des freins tient à l’inhabileté informatique des copropriétaires. Yves Scheidecker, copropriétaire à Strasbourg, estime que «les problèmes relatifs aux convocations et aussi au PV restent identiques quel que soit le mode de communication». Ce nouveau mode ne paraît d’ailleurs pas inciter les copropriétaires à lire les documents envoyés ou à assister davantage aux AG...
François-Emmanuel Borrel imagine pouvoir arriver à des «documents plus ergonomiques, en couleur, en d’autres formats, voire même [à la] vidéo ou 3D, [à] des présentations plus didactiques et simples de lecture». En attendant Renaud Franchet note «l’hérésie économique de l’impression à domicile d’une convocation» et «l’intérêt des clients pour un support qu’ils peuvent annoter avant et pendant l’AG». En écho, Florence Guérin trouve «extrêmement pénible de devoir étudier tous les documents sur un écran». En revanche, Bertrand Esposito, PDG de Loiselet & Daigremont, attend «l’harmonisation de la réglementation pour les appels de fonds, afin de simplifier la gestion et de renforcer la cohérence de cette modernisation attendue et légitime».