Copropriété : Qu'attendre du Conseil national de la refondation

par Nathalie Levray, Journaliste
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© Christophe Simon

S’il ne débouche pas sur des mesures législatives ambitieuses et à grande échelle, y compris pour les immeubles en copropriété, le volet logement du Conseil national de la refondation rejoindra le rayon des rapports sans lendemain. 

Conseil des ministres du 1er mars 2023 : la Première ministre présente une communication relative à l’avancement du Conseil national de la refondation. Ce Conseil national de la refondation (CNR) était présenté en septembre dernier comme une «nouvelle méthode de concertation et d’action» entre acteurs de la société civile organisée et puissance publique. L’objectif : «partager des diagnostics sur l’état du pays […], co-construire des stratégies nationales portant sur les grandes transitions», et «produire des solutions innovantes ».

Le logement, seconde préoccupation

Le 28 novembre 2022, un volet Logement est ajouté au Conseil national de la refondation (CNR). C’est que, initialement non prévu dans ses réflexions, ce thème ressort comme un axe majeur de la première consultation publique, organisée en ligne entre octobre et mi-novembre.

Le Logement est cité dans 47 068 contributions sur les 308 076 reçues, devancé seulement par celui du Climat et biodiversité (89 746 contributions). Cette préoccupation exprime la perception d’une situation tendue, reflet de la crise du logement. Les répondants s’interrogent sur le prix trop élevé des logements, inaccessibles pour les primo-accédants, sur l’insuffisance de l’offre et sur son inadaptation aux normes en vigueur et aux exigences de performance énergétique, et sur la mauvaise qualité et l’habitabilité des logements ainsi que sur leur répartition territoriale.

Le peu d’intérêt suscité dans le monde de la copropriété par ce CNR s’explique en partie par la faiblesse de la communication à destination des intéressés tant particuliers que professionnels et, en partie, parce que tout a déjà été dit des constats comme des solutions, notamment dans la vingtaine de rapports parus sur la question ces cinq dernières années, chacun traçant des pistes, recommandant des actions, élaborant des sorties de crise…

Fallait-il ce volet spécifique du CNR pour que l’ensemble des acteurs du logement et de l’immobilier se regroupent et se parlent ? A la manœuvre pour «créer un lien plus direct entre les citoyens et la décision politique», nous retrouvons Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, et Véronique Bédague, directrice générale de Nexity. Après cette première consultation, trois groupes de travail réfléchissent durant l’hiver, l’un sur «redonner du pouvoir d’habiter aux Français», l’autre sur «réconcilier la France avec l’acte de construire», et enfin sur «faire du logement l’avant-garde de la transition écologique».

Performance énergétique, thème majeur

Pour nourrir les échanges entre ces groupes, une deuxième consultation dédiée au logement est organisée entre le 10 novembre et le 19 décembre. 2 764 répondants déposent 65 876 contributions sur le site du CNR. Si les copropriétés n’apparaissent pas en tant que telles dans les items recueillis, les questions que se posent les copropriétaires et, avec eux, leurs conseils syndicaux et les professionnels de l’immobilier qui les accompagnent, traversent le CNR-logement. Près d’un quart de la population vit dans le parc collectif privé et la copropriété reflète les phénomènes sociétaux constatés à un niveau général.

Les répondants décrivent leur logement idéal à partir du critère de sobriété énergétique (24 % des contributions). Est confirmée en tant que thème majeur, l’isolation, surtout thermique et dans une moindre mesure phonique, des logements. Leur adaptation aux nouvelles normes apparaît comme un élément nécessaire et primordial. Or, 42 % des participants propriétaires estiment ne pas disposer d’un logement bénéficiant de bonnes performances énergétiques. Plus de la moitié (56 %) considèrent ne pas être suffisamment accompagnés pour exécuter les travaux nécessaires. Plus de 75 % des répondants déclarent, en outre, devoir régulièrement moduler leurs dépenses pour faire face à la part immobilière dans leurs dépenses contraintes. Enfin, plus d’un participant sur cinq (22 %) considère qu’il n’est pas nécessaire de construire de nouveaux logements et qu’il est préférable de «rénover les anciens logements».

Quelle réponse politique ?

À travers ces consultations, le CNR-logement pointe, et c’est loin d’être nouveau, le défi de la rénovation énergétique des bâtiments rendu impérieux, notamment par l’opposabilité de l’étiquette «énergie» du diagnostic de performance énergétique au diagnostiqueur, au vendeur ou au bailleur d’un logement et par l’exclusion progressive de la location des logements les plus énergivores.

Dans sa communication du 1er mars, Elisabeth Borne annonce une «feuille de route», des propositions pour la rénovation énergétique des logements et la réponse aux enjeux d’un parc d’habitats collectifs bas-carbone à l’horizon 2050. Un plan d’actions ministériel ou interministériel serait finalisé à l’été 2023. Dont acte.

Dernièrement, Véronique Bédague évoquait l’opportunité de mesures visant à accélérer les prises de décisions au sein des copropriétés… Pas de quoi résoudre les questions de financement de la rénovation énergétique, rendues encore plus prégnantes par l’inflation et la crise énergétique. Plus qu’une énième feuille de route, les propriétaires et les locataires ont besoin d’une politique du logement ambitieuse pour garantir à tous un habitat collectif de qualité. En quatre ans, le Plan initiatives copropriété piloté par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a permis la rénovation de seulement 105 582 logements sur les 9,7 millions concernés ! Alors que désormais toutes les copropriétés peuvent bénéficier de MaPrimeRénov’ Copropriété, les pouvoirs publics tablent sur 40 000 logements rénovés en 2023…

Pour être efficace, le CNR-logement devrait déboucher sur une loi à grande échelle, dégageant les ressources nécessaires aux opérations de rénovation et d’entretien des bâtiments, notamment pour diminuer les restes à charge des propriétaires et prévoir leur accompagnement. C’est à ces conditions que les logements rénovés seront sobres énergétiquement, agréables à habiter, facilement louables et répondront tant aux normes d’isolation qu’aux standards de l’habitat d’aujourd’hui.

 

© Christophe Simon