Copropriété à deux : contestation d’une décision unilatérale hors assemblée générale

par Pierre-Édouard LAGRAULET, Docteur en droit, avocat au barreau de Paris
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Décision unilatérale.- Depuis 2019, les copropriétés dont le nombre de voix est réparti entre deux copropriétaires connaissent un régime particulier permettant l’adoption unilatérale. L’article 41-16, 1°, de la loi du 10 juillet 1965 permet ainsi à celui qui détient plus de la moitié des voix de prendre toutes les décisions relevant de la majorité simple, en plus de la désignation du syndic. Le 2° de cet article permet au copropriétaire disposant des deux tiers des voix d’adopter toutes les décisions relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires. Enfin, le 3° donne pouvoir à chaque copropriétaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble. L’article 41-17 ajoute que ces décisions, sauf le vote du budget et de l’approbation des comptes, peuvent être adoptées en dehors de l’assemblée générale (AG) ! L’unilatéralisme est ainsi de mise, pour mettre fin à la situation de paralysie que connaissaient ces syndicats.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 697 d'avril 2024

Modalité de notification.- Dans le cas où la décision est adoptée hors AG, celui qui décide doit la notifier à l’autre copropriétaire, «à peine d’inopposabilité», selon l’article 41-17. Comme pour l’assemblée générale, la notification devra respecter les formes imposées par les articles 64 et suivants du décret de 1967. Elle prendra donc, par principe, la forme d’une LRAR.

Contestation.- Un régime spécial est prévu pour la contestation de ces décisions. Il n’est pas sans rappeler celui prévu par l’article 42 de la loi, bien qu’il en diffère. 

• Délai de contestation.- L’article 41-19 prévoit un délai de contestation identique à celui de l’article 42 : le copropriétaire peut contester la décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci. Ce délai est prescrit à peine de déchéance, ce qui indique que la sanction est également une forclusion non susceptible d’interruption, sauf exception légale (demande d’aide juridictionnelle par ex.).

• Suspension de l’exécution.- L’article 42 de la loi prévoit que les décisions de l’AG sont par principe exécutoires, sauf celles relatives aux travaux décidés en application des articles 25 et 26 de la loi. L’exécution de ces décisions est suspendue jusqu’à l’expiration du délai de deux mois, sauf encore s’ils sont urgents. À l’inverse, dans l’hypothèse de la décision unilatérale hors AG, l’article 41-19 de la loi renverse le principe posé par l’article 42. Conservant l’exception de l’urgence, ici toutes les décisions prises par un copropriétaire sans l’accord de l’autre sont suspendues pendant le délai de deux mois. Cela nous parait signifier qu’elles peuvent ensuite être exécutées, nonobstant le recours engagé.

• Juridiction compétente et parties au procès.- L’action en nullité des décisions prises par un copropriétaire pourra être engagée contre le syndicat des copropriétaires, devant le tribunal judiciaire (art. 42-10, D. 1967) du lieu de situation de l’immeuble (art. 61-1, D. 1967). 

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

 Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
©Sébastien Dolidon / Edilaix