Copropriété : Irrégularité formelle et nullité des décisions de l’assemblée

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au bureau de Paris, Docteur en droit
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Le procès-verbal de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires, et de ses annexes, est un acte dont la forme est particulièrement encadrée.

Formalisme requis (art. 14 à 17, D. 1967).- Le contenu du procès-verbal doit préciser le résultat des votes, inscrit par le secrétaire qui est, par principe, le syndic. Ces résultats seront contrôlés par les scrutateurs éventuellement désignés. Ce document doit également mentionner, le cas échéant, les réserves formulées par les opposants, les incidents techniques de visioconférence et les modalités de distribution des pouvoirs reçus par le syndic. Ce procès-verbal doit enfin être signé par le «bureau», c’est-à-dire par le secrétaire, le président et les scrutateurs désignés.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 694 de décembre 2023

Évolution jurisprudentielle.- A l’origine, tout vice affectant le procès-verbal de l’assemblée générale était susceptible d’emporter la nullité de celle-ci ou des décisions affectées par le vice (CA Paris, 7 oct. 1987 ; CA Paris, 13 janv. 2021). La position était rigoureuse. Peut-être trop. 

C’est ainsi que, dans un second temps, la cour d’appel de Paris (26 févr. 2004), puis la Cour de cassation, ont pu, par une approche plus pragmatique, considérer que les irrégularités de forme affectant la feuille de présence ou le procès-verbal n’entraînaient pas la nullité des décisions adoptées dès lors que le résultat du vote n’était pas affecté par ces irrégularités (Cass. 3e civ., 11 juill. 2019, n° 18-18.615 ; Cass. 3e civ., 27 févr. 2020, n° 18-13.458 ; Cass. 3e civ., 28 janv. 2021, n° 19-17.906). 

Ce mécanisme s’inscrit ainsi dans ce qui paraît être un «principe de faveur» pour l’assemblée générale (cf. P.-E. Lagraulet, La plasticité du droit de la copropriété, AJDI 2020, p. 398).

Consécration légale.- Depuis le décret du 2 juillet 2020, «l’irrégularité formelle affectant le procès-verbal d’assemblée générale ou la feuille de présence, lorsqu’elle est relative aux conditions de vote ou à la computation des voix, n’entraîne pas nécessairement la nullité de l’assemblée générale dès lors qu’il est possible de reconstituer le sens du vote et que le résultat de celui-ci n’en est pas affecté». L’article 17-1, créé par le décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 consolide de la sorte la jurisprudence précitée. Cette disposition a pour but d’éviter les annulations pour des motifs de pure forme, qui résulteraient d’une application littérale des articles 14 à 17 du décret du 17 mars 1967. 

Les plaideurs acharnés seront ainsi freinés dans leur élan. Ils devront désormais prouver, s’ils entendent soulever une irrégularité formelle, que celle-ci a une incidence substantielle. L’absence de signature sur la feuille de présence, l’absence d’indication du nombre de tantièmes d’un copropriétaire, etc. ne seront donc plus des causes intrinsèques de nullité. Pour obtenir judiciairement la nullité des décisions, il conviendra de démontrer leur véritable incidence sur la décision litigieuse. La solution paraît heureuse.

 

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

 Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
©Sébastien Dolidon / Edilaix