«Classe G : un propriétaire sur quatre veut vendre»
Olivier Princivalle pratique l’immobilier depuis presque 30 ans. Il a créé son propre cabinet spécialisé en copropriété puis en administration de biens et transaction. Titulaire d’un BTS «Professions Immobilières» et ayant suivi le cursus de formation de l’Institut de droit et d’économie appliqués à l’immobilier (ICH), il est président de la FNAIM Grand-Paris depuis janvier 2023.
Focus sur l’impact des dernières mesures législatives sur les pratiques professionnelles.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 707 d'avril 2025
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La loi Habitat dégradé prévoit que, lorsque le syndic ne fait pas désigner un mandataire ad hoc quand les conditions sont réunies (25 % ou 15 % d’impayés), les frais de l’administration provisoire peuvent lui être imputés. Avez-vous des observations à faire ?
Nous n’avions pas besoin de cette mesure. Elle a été intégrée à la loi Habitat dégradé par les pouvoirs publics afin de réduire, en théorie, le risque de survenance de copropriétés dégradées, en identifiant les comptes qui montreraient des signes de fragilité. Pourtant, il n’est pas inhabituel pour les syndics de constater, à la clôture des comptes, 15, 20, voire 30 % d’impayés de charges. Mais dans la quasi-totalité des cas, la situation se régularise dans les semaines ou les mois qui suivent par des actions de recouvrement. Ce n’est donc pas en prenant pour référence les impayés, observés à un moment «t», que l’on va réduire les risques. D’autant moins qu’ils sont en net recul. D’après le registre national des copropriétés, entre 2022 et 2023, les impayés des copropriétés, comprenant 11 à 49 lots, ont chuté de 26 %.
Cette nouvelle mesure qui impose un mandataire ad hoc va donc avoir pour seul effet de générer davantage de coûts pour les copropriétaires, que ce soit pour les frais de justice ou ceux de la mission du mandataire. Car, toujours d’après le registre national des copropriétés, en 2023, 141 000 copropriétés auraient été concernées, et elles auraient dû, à elles toutes, débourser 850 millions d’euros. Cette mesure démontre une fois de plus à quel point les pouvoirs publics méconnaissent nos métiers, et les réalités du terrain.
L’interdiction de louer est entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les logements classés G : quel est l’impact exact de cette prohibition ?
La première conséquence, et la plus dramatique d’ailleurs, c’est bien entendu l’appauvrissement de l’offre, dans un contexte de tension locative déjà explosive. À l’échelle du pays, on dénombre dans le parc locatif privé environ 646 000 logements classés G, dont 192 000 rien qu’en Île-de-France. Tous ces biens sortent de facto du marché. Les nouveaux baux d’habitation des logements G sont interdits bien entendu, mais pas uniquement. Alors que nous avons échangé à de nombreuses reprises avec le gouvernement et demandé d’exempter d’interdiction les reconductions tacites et renouvellements des baux en cours concernant des biens classés G, nous n’avons pas été entendus. Plutôt que de se remettre en question et d’ajuster un dispositif, qui, finalement, dans un contexte de crise majeure, crée davantage de problèmes qu’il n’en résout, les pouvoirs publics ont préféré rester campés sur leurs positions.
Résultat, les propriétaires de logements classés G ne peuvent plus les proposer à la location. Pire, ceux qui ont déjà un bien loué risquent de se voir attaqués en justice par leur locataire pour une baisse de loyer et une obligation de travaux. Or, même si un bailleur veut rénover son bien, ce qui sous-entend dans un premier temps qu’il ait la trésorerie et dans un second temps qu’il trouve un artisan RGE disponible, il n’est pas garanti qu’il atteigne l’étiquette DPE suffisante. Des travaux de plus grande ampleur sur l’ensemble du bâti sont souvent nécessaires. Pour cela, il faut une majorité de copropriétaires favorables. Toute personne ayant déjà assisté à une assemblée générale sait à quel point il est difficile de faire en sorte que des propriétaires, n’ayant ni les mêmes intérêts ni les mêmes obligations, s’entendent sur un projet commun. Les propriétaires bailleurs de résidence principale sont contraints aux travaux, les propriétaires occupants ne sont soumis à aucune obligation, comme les bailleurs commerciaux ou professionnels, voire les bailleurs touristiques qui ont jusqu’à 2034 pour se mettre en conformité.
Conclusion, de plus en plus de bailleurs jettent l’éponge. Depuis janvier 2025, un propriétaire de bien classé G sur quatre veut vendre son bien (…).
Dans un contexte de pénurie du marché locatif, la FNAIM du Grand-Paris recommande de supprimer les interdictions de location.
Depuis le 1er avril 2025, les départements peuvent augmenter de 0,5 % les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), sauf pour les primo-accédants. Pensez-vous que cela puisse avoir un impact majeur ?
C’est un mauvais signal adressé aux acheteurs et surtout aux investisseurs. En fin d’année dernière, le marché a connu un léger rebond, grâce entre autres à la mobilisation des banques qui ont rouvert le robinet des crédits. On aurait pu espérer que le gouvernement s’inscrive dans cette même dynamique et encourage une sortie de crise en intégrant de nouvelles aides ou de nouveaux dispositifs incitant à l’acquisition. Mais nous n’avons vu dans le budget 2025 aucune mesure majeure susceptible d’avoir un impact massif.
En revanche, ce dernier permet dorénavant aux collectivités de compenser leurs pertes considérables de revenus, liées à la disparition de la taxe d’habitation et à la chute des transactions immobilières, par une hausse des DMTO, qui pèsera sur les épaules des seuls propriétaires immobiliers. En augmentant les fonds dont les candidats acquéreurs doivent disposer pour acheter un bien, il est tout à fait logique de penser que cela va peser sur la décision d’achat et donc sur le nombre de transactions, dans un contexte de marché de l’investissement locatif déjà complètement grippé.
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