Entretien : Thierry Marchand, ingénieur bâtiment

par YS
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 © DR«Seul le chemin de l’action collective sera efficace»

«Le diagnostic énergétique suscite la défiance : alors que les logements les plus énergivores sont interdits à la location, les évaluations sont jugées peu fiables» titrait Le Monde en date du 1er mars 2023. Thierry Marchand, administrateur et ancien président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM, membre d’une commission de normalisation AFNOR, répond aux questions de la rédaction. Thierry Marchand a fondé et dirige l’entreprise CEDI2M Expertises, située à Dinan. Son cabinet rayonne sur l’ouest de la France et intervient notamment sur les immeubles en copropriété.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 687 d'avril 2023

Que doit-on répondre à cette tendance que d’aucun qualifie de “DPE bashing” ? 

Le DPE est devenu l’outil de mesure de la classe de performance d’un logement. À ce titre, il influe considérablement sur la valeur vénale du premier patrimoine des Français. Il leur impose de nouvelles contraintes entraînant un rejet de certains propriétaires, voire de professionnels. Le DPE «bashing» est le résultat d’une réaction logique : ne pas voir et accepter l’état sanitaire de son logement. Le DPE rappelle que presque 20 % des logements sont très consommateurs d’énergie. Certes, les erreurs relevées dans certains DPE, réalisés sommairement, amplifient cet écho. La responsabilité de notre profession est devenue importante, mais cela ne change en rien l’état des lieux du parc de passoires thermiques. 

Quelles sont les obligations de formation initiale et continue des diagnostiqueurs ?

Actuellement la réglementation exige un encadrement strict : un niveau de compétences ; des contrôles réguliers ; une formation continue obligatoire. Mais les prérequis pour exercer notre métier sont devenus inexistants compte tenu des besoins du marché. La réglementation devra prendre en compte ces dérives et adapter l’encadrement réglementaire aux enjeux actuels. La certification reste indispensable et encadre l’activité du diagnostiqueur. Elle lui confère une légitimité et constitue un accélérateur d’amélioration de compétences. Y adjoindre l’obligation d’une carte professionnelle sera un atout pour retrouver la confiance des concitoyens. Cet outil complémentaire de sanction et de reconnaissance nous manque aujourd’hui.

Quelles sont les responsabilités encourues par les professionnels du contrôle ?

Le diagnostiqueur immobilier engage au quotidien la responsabilité de son cabinet et il s’expose à de lourdes responsabilités en cas d’erreurs, d’oublis ou d’attitudes repréhensibles. Il agit comme un tiers de confiance et il ne doit avoir aucun lien de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance. Afin d’assurer la sécurisation des transactions immobilières, le professionnel est tenu de souscrire une assurance permettant de couvrir les conséquences d’un engagement de sa responsabilité en raison de ses interventions.

Comment un diagnostiqueur accompagne un syndicat des copropriétaires dans l’élaboration du plan de travaux annuels ?

Le diagnostiqueur ayant des compétences élargies aux techniques de construction et de performance thermique du bâti peut réaliser un diagnostic technique de l’état apparent des parties communes et des équipements communs de l’immeuble. Il doit rechercher l’amélioration de la performance énergétique de l’immeuble dans son entier. Ainsi, le professionnel va identifier les exigences structurelles et lister les travaux nécessaires, urgents et obligatoires pour conserver le bien commun. L’objectif d’une rénovation énergétique est fixé à l’article L. 111-1 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir atteindre la classe de performance B. En outre, le diagnostiqueur présente un projet de priorisation des travaux, un échéancier et une estimation des coûts. Ses recommandations doivent être impartiales.

Quel conseil donneriez-vous au copropriétaire pour améliorer le DPE de son logement ?

Le DPE est un outil de classement de la performance d’un logement, et plus précisément de celle de l’enveloppe d’un bâtiment. C’est pour cela qu’il existe deux DPE dans un immeuble collectif d’habitation : le premier est un DPE réalisé au logement ; le second, le plus important, c’est le DPE, devenu obligatoire, de l’immeuble dans son entier.

Il est nécessaire d’analyser globalement les déperditions thermiques, le besoin de renouvellement de l’air, etc. Par exemple, l’impact de l’isolation en toiture concerne tous les copropriétaires et pas seulement ceux qui souffrent d’une consommation excessive sous les toits. Pour améliorer un DPE au logement, seul le chemin de l’action collective sera véritablement efficace et durable. Il n’en reste pas moins que le copropriétaire peut déjà changer ses fenêtres, mettre un chauffage et un chauffe-eau sanitaire plus performants ou mettre en œuvre une régulation.

Dans les logements collectifs de petites surfaces, le besoin nécessaire à la production d’eau chaude sanitaire entraîne une classification défavorable du DPE. Ce n’est pas le DPE qui est réellement en cause, mais bien le choix de la méthode de calcul appliquée pour ce type de petite surface de moins de 30 m². Il faudra nécessairement agir pour modifier certains critères afin que le DPE puisse mieux prendre en compte des règles adaptées à ces logements.