Copropriété : Prévenir les nuisances des baux de courte durée

par Nathalie Levray, Journaliste
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Les locations en meublé touristiques peuvent apporter leur lot de désagréments aux autres résidents. Hormis la discussion et la persuasion, le syndicat des copropriétaires dispose de trois leviers pour ramener calme et tranquillité dans l’immeuble.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 689 de juin 2023

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Fête, cris et rires. Départ des occupants. Ménage. Arrivée. Tous les deux ou trois jours. A l’aube. Tard le soir. Pénurie de logements. Augmentation des prix. Dégradations. Face à ces nuisances résultant des locations de courte durée, les acteurs publics tentent d’encadrer ou d’endiguer la pratique. Ainsi deux propositions de lois proposent-elles de nouvelles mesures contre les plateformes de locations de meublés saisonniers (Airbnb, Abritel, Homelidays, Booking…).

Enregistrement obligatoire et plafonnement à soixante jours de location, d’une part, diagnostic de performance énergétique et règlementation renforcée des locaux à usage touristique, d’autre part, et, dans les deux cas, modification de la fiscalité. Avant de tout attendre de la loi, la copropriété peut recourir à des outils juridiques pour diminuer, voire supprimer, les désagréments engendrés par les locations meublées touristiques.

Contenu du règlement de copropriété

Le premier outil est le règlement de copropriété de l’immeuble. En effet, les locations de courte durée peuvent contrevenir à la destination et aux conditions de jouissance fixées par ce document. Le cas le plus évident est celui où le règlement de copropriété interdit toute activité de location en meublé touristique (dans les anciens règlements de copropriété, il est question du «commerce des garnis»). Le règlement peut également prévoir l’autorisation spécifique des copropriétaires à cette fin.

Souvent, le règlement de copropriété prévoit une clause d’habitation bourgeoise, laquelle est simple ou exclusive. Dans le premier cas, les propriétaires ou leurs locataires peuvent exercer une activité professionnelle libérale dans le local privatif, tandis que, dans le second, toute activité professionelle est purement et simplement interdite. D’une manière générale, les juges retiennent le caractère commercial de la location de courte durée, incompatible avec l’esprit de la clause d’habitation bourgeoise, et ordonnent le retour à l’habitation sous astreinte financière.

Limitation légale

 

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Dans une ville de plus de 200 000 habitants ou dans une commune des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le syndicat des copropriétaires a deux atouts supplémentaires. D’une part, l’article L. 324-1-1-IV du Code du tourisme interdit de louer sa résidence principale au-delà de cent-vingt jours au cours d’une même année civile. L’interdiction ne s’applique toutefois que si le conseil municipal a prévu la déclaration préalable enregistrée auprès de ses services de toute location d’un meublé de tourisme. Cette déclaration indique si ce dernier constitue ou non la résidence principale du loueur et son numéro figure sur l’offre de location.

D’autre part, l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation énonce que constitue un changement d’usage le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile. Le copropriétaire qui exploite son lot de copropriété destiné à l’habitation en le louant de façon saisonnière doit ainsi demander à sa commune une autorisation préalable de changement d’usage.

Dans les autres communes, il n’y a pas de démarches particulières. Il vaut alors mieux privilégier la rencontre et la discussion avec le copropriétaire indélicat pour lui rappeler - outre le règlement de copropriété le cas échéant -  la disposition l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 selon laquelle chaque copropriétaire «use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble».

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Trouble de voisinage

Le syndicat des copropriétaires peut également obtenir le retour au calme dans l’immeuble par le truchement du trouble anormal de voisinage. Le copropriétaire bailleur louant pour de courtes périodes peut être condamné en raison du trouble généré par ses locataires. Le trouble doit être collectif et affecter l’immeuble et non un lot. Le préjudice affecte alors les parties communes (couloirs, ascenseurs, escaliers), ce qui est souvent le cas en matière de meublés de tourisme où la diffusion du code d’entrée et les va-et-vient incessants augmentent le sentiment d’insécurité et les nuisances. La responsabilité du copropriétaire peut être engagée même sans faute de sa part, le syndicat n’ayant qu’à prouver que les faits reprochés sont la cause de la nuisance subie et constitutifs d’un trouble anormal.

Mode d’emploi

Quelle que soit la démarche choisie, le syndicat des copropriétaires s’aménagera les preuves suffisantes pour aboutir à ses fins. Un commissaire de justice (ex-huissier) constatera les offres de location déposées en ligne et la récurrence de l’occupation de courte durée via les commentaires déposées sur le site de la plateforme. Des réservations de nuitées peuvent être simulées. Des photographies des dégradations, des enregistrements sonores ou des témoignages pourront constituer un faisceau d’indices. Il sera utile de récupérer en ligne l’inscription du copropriétaire au répertoire SIRENE de l’INSEE et de s’appuyer sur le statut fiscal de l’activité soumise aux bénéfices industriels et commerciaux (art. 35, I, 5° bis, Code général des impôts).

Dans le cadre de démarches amiables, des mises en demeure de respecter la destination de l’immeuble ou les conditions de son utilisation ou encore la clause bourgeoise du règlement de copropriété ainsi que l’adoption par l’assemblée générale de résolutions rappelant le règlement de copropriété ou constatant les nuisances, peuvent amoindrir celles-ci. La preuve de la clôture du compte Airbnb ou assimilé et le retour du lot à l’habitation peut être exigé sous huit jours. Ultérieurement le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble peut être saisi et une astreinte financière ordonnée. Ces éléments constitueront un début de preuve fort utile s’il est nécessaire d’en venir au contentieux.

Le conseil syndical ou le syndic se renseignera sur les règles d’urbanisme et de tourisme applicables en matière, auprès du service compétent de la commune. Il signalera les abus et demandera une enquête pour établir la régularité ou l’irrégularité de la location. En cas d’infraction au seuil des cent-vingt jours,
la commune peut saisir le président du tribunal judiciaire qui peut prononcer une amende civile d’au maximum 10 000 €.

L’action judiciaire supposant des dépenses telles des honoraires d’avocats ou des frais de commissaire de justice, l’assemblée générale les autorisera à la majorité des voix exprimées par les votants présents, représentés et par correspondance ( art.24, l. 10 juillet 1965).