Copropriétés dégradées

par Thierry POULICHOT - directeur des Garanties Citoyennes
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Copropriété dégradéeMises au point de la Cour des comptes

La Cour des comptes a rendu public le rapport Copropriétés dégradées : mieux répondre à l’urgence, validé le 12 janvier dernier (www.ccomptes.fr).

Le cœur du document est constitué par l’étude du Plan initiative copropriétés (PIC), lancé en 2018 et doté de 2,5 milliards sur dix ans.

Or, nous sommes en 2022. Plus du tiers du délai est déjà passé. Pourtant, seuls 14 % des crédits ont été engagés, et les résultats sont difficiles à identifier.

La Cour des comptes différencie, à cet égard, le processus de recyclage (p. 29) qui implique au final une démolition ou une transformation du bâti et le processus de redressement (p. 32) qui repose sur le portage de lots devenant la propriété d’acteurs publics ou parapublics dans le cadre d’une période de transition. Tandis que le recyclage pose des problèmes majeurs au plan du relogement et du dialogue avec les aménageurs ou avec les élus locaux, le redressement présente des défis pour les structures qui deviennent copropriétaires, la gouvernance pouvant rester fragile à la fin du portage.

Après une analyse du cadre légal relatif à la copropriété en difficulté, la Cour des comptes met en exergue trois sujets d’inquiétude. D’abord, les alertes sont souvent tardives et incomplètes, les professionnels de l’immobilier n’utilisant pas toujours les outils à leur disposition sur ce point. Ensuite, la coordination des nombreux acteurs concernés est rarement optimale, du fait, notamment, de capacités d’expertise et d’information inégales, d’où certains blocages dans l’action publique. Enfin, la place des copropriétaires eux-mêmes dans tout le processus doit être redéfinie.

La Cour des comptes opère donc cinq recommandations pour 2022. Elle demande qu’un outil de suivi de la situation sociale des occupants et des copropriétaires soit introduit en lien avec le registre national d’immatriculation. Elle veut aussi que les copropriétaires puissent accéder au contenu des informations du registre national liées à leur immeuble. La Cour des comptes estime également que la convention entre l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) doit être actualisée pour que le cadre d’intervention respectif de chaque agence soit mieux défini. Elle demande que l’ANAH établisse des indicateurs de suivi par axe de mise en œuvre du PIC dans chaque immeuble en copropriété concerné. Elle appelle, enfin, à la publication du décret fixant la compétence professionnelle des collaborateurs habilités des titulaires de cartes professionnelles.

En effet, la Cour des comptes regrette l’absence de sanctions lorsque des professionnels de l’immobilier ne déclenchent pas les mécanismes prévus par la loi en cas d’impayés et de fragilité du bâti. Le défaut de publication du décret sur la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières est d’ailleurs déploré (pp. 50-51).

Ainsi, la Cour des comptes ose évoquer des vérités qui dérangent. Cela a suscité de vives critiques en ligne. La contestation des positions d’une juridiction, même financière, doit se faire sur la base de commentaires techniques basés sur des arguments juridiques étayés. Les invectives, les intimidations ou les menaces, elles, portent atteinte à l’autorité judiciaire.