Copropriété : Les troubles causés par le locataire

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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«Un mauvais voisin est une calamité, un bon voisin un vrai trésor». Le poète grec Hésiode avait vu juste lorsqu’il affirmait ainsi la richesse humaine que peuvent procurer de bonnes relations de voisinage.

Malheureusement, si l’on choisit son logement, il en va tout autrement pour les voisins qui s’imposent naturellement à nous, pour le meilleur, mais également pour le pire.

Sur ce point, force est de constater que les troubles de voisinage sont inhérents à la vie en collectivité. Bien que ces litiges ne soient pas toujours aisés à régler, le fait qu’ils soient causés par un locataire présente quelques particularités, tant à l’égard du bailleur que des autres copropriétaires.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 688 de mai 2023

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Opposabilité du règlement de copropriété.- Le règlement de copropriété et les modifications qui peuvent lui être apportées sont opposables aux ayants cause à titre particulier des copropriétaires à compter de leur publication au fichier immobilier (art. 13, L. 10 juillet 1965). En tant qu’ayant cause, le locataire est donc tenu d’en respecter les dispositions (CA Paris, 2 déc. 1982, IRC n° 335, obs. Giverdon), à condition toutefois que les actes aient été publiés au service de la publicité foncière (Cass. 3e civ., 26 nov. 2013, n° 12-23.549). Le locataire ne peut donc invoquer une clause de son bail qui serait contraire au règlement de copropriété, telle la location conclue en vue de l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale prohibée par le règlement.

Obligation de jouissance paisible du locataire.- Le locataire est tenu d’user de la chose louée raisonnablement (art. 1728, C. civ.) et paisiblement (art. 7, L. 6 juillet 1989 dans le cadre d’un bail d’habitation). Cette obligation ne trouve cependant pas sa source uniquement dans la règlementation relative aux baux mais également dans le droit de la copropriété. Ainsi, chaque copropriétaire «use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble» (art. 9, L. 10 juillet 1965). Par ailleurs, la plupart des règlements de copropriété contiennent une clause imposant aux occupants d’user paisiblement des lieux et interdisant toute activité pouvant occasionner des troubles de jouissance. En cas de manquement, le locataire engagera donc sa responsabilité, non seulement à l’égard de son bailleur, mais également des autres occupants de l’immeuble, voire du syndicat.

Comportement fautif du locataire.- Sont visés ici tous les actes constituant un manquement à l’obligation d’usage paisible des lieux. Il peut s’agir de comportements violents et injurieux à l’encontre des habitants de l’immeuble (CA Agen, 6 mars 2007, n° 06/00825) ; ou encore le fait de se prêter, à de nombreuses reprises, à une activité musicale, telle le piano, accompagné d’autres instruments et cela tard dans la nuit (CA Paris, 30 oct. 2013, n° 12/11038). Le comportement fautif peut également consister en l’occupation d’une partie commune, l’exercice d’une activité prohibée ou la réalisation de travaux affectant le gros-œuvre de l’immeuble sans autorisation préalable de l’assemblée générale.

Responsabilité du locataire, du bailleur et action oblique.- Le locataire engage sa responsabilité en cas de comportement fautif à l’encontre des autres occupants de l’immeuble ou du syndicat des copropriétaires. Toutefois, on l’oublie mais le bailleur est également responsable des agissements commis par son locataire, notamment en cas de violation du règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 16 juill. 1996, RDI 1996, 605, obs. Capoulade) ou lorsqu’il fait preuve de laxisme en délivrant tardivement un congé à son locataire alors que celui-ci perturbait la tranquillité de l’immeuble (CA Paris, 29 mai 1987, D. 1987, IR 167). Il appartient donc au bailleur de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de faire cesser les troubles.

A ce titre, il lui est possible de ne pas renouveler le bail et de délivrer un congé en respectant le délai de préavis requis (six mois pour une location nue à usage principale d’habitation par exemple -V. art. 15, L. 6 juillet 1989). Le congé sera alors fondé sur un motif légitime et sérieux, à savoir le défaut de jouissance paisible des lieux par le locataire. Cependant, l’importance des troubles et la temporalité peuvent nécessiter une réaction urgente sans possibilité d’attendre la fin du bail. Il appartient alors au propriétaire de saisir la justice afin que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat.

Toutefois, la question se pose en cas d’inaction du bailleur. L’article 1341-1 du Code civil décrit ce que l’on nomme «l’action oblique», à savoir la faculté pour le créancier d’une obligation d’exercer les droits de son débiteur en cas de carence de celui-ci. Autrement dit, il est possible pour le syndicat des copropriétaires d’exercer une action en résiliation du bail lorsque les agissements du locataire sont contraires au règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 14 nov. 1985, n° 14-15.577). Ce droit est non seulement ouvert au syndicat, mais également à un copropriétaire individuel, lequel peut obtenir la résiliation du bail à l’encontre d’un locataire qui, là encore, méconnait les dispositions du règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 8 avril 2021, n° 20-18.327). Cependant, la carence du bailleur doit être constatée, à défaut de quoi l’action oblique sera déclarée irrecevable (Cass. 3e civ., 12 juill. 2018, n° 17-20.680).

Rôle du syndic.- Le locataire étant un tiers au sein de la copropriété, le syndic ne devrait normalement pas interférer dans l’exécution du bail. Cependant, dans la mesure où il est tenu à faire respecter les dispositions du règlement de copropriété, il lui appartient d’intervenir auprès des occupants ou du copropriétaire-bailleur afin de demander que les troubles cessent. Par ailleurs, selon le contexte, le syndic devra envisager l’opportunité ou non d’exercer une action oblique pour le compte de la copropriété.