Chaque copropriétaire use et jouit librement de ses lots. Mais cette liberté n’est pas absolue : outre l’interdiction de porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, est instituée l’obligation de laisser l’accès à ses parties privatives en cas de travaux votés par l’assemblée générale. Une mesure nécessaire de bon sens mais qui peut poser certains problèmes pratiques.
Le principe de l’accès aux parties privatives
L’obligation est clairement posée par l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 : «aucun des copropriétaires ou de leurs ayants droit ne peut faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives, des travaux régulièrement et expressément décidés par l’assemblée générale».
Toutefois, ce droit d’accès n’existe que «si les circonstances l’exigent et à condition que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives […] n’en soient pas altérées de manière durable». L’accès aux parties privatives doit donc constituer la seule solution possible. Le fait que des travaux soient techniquement plus simples et financièrement moins coûteux en passant par des parties privatives n’est pas un argument suffisant dès lors qu’il est possible de les réaliser en passant uniquement par les parties communes (Cass. 3e civ.,12 mars 1997).
Enfin, l’article 9 précise que les copropriétaires subissant «un préjudice par suite de l’exécution des travaux, en raison soit d’une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d’un trouble de jouissance grave, même s’il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité».
Les travaux concernés
Ne peuvent justifier l’obligation pour un copropriétaire de laisser l’accès à ses parties privatives que les travaux «régulièrement et expressément décidés par l’assemblée générale en vertu des a et b du II de l’article 24, des f, g et o de l’article 25 et de l’article 30». Il s’agit :
- des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ainsi qu’à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants ;
- des travaux obligatoires ;
- des travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
- de la suppression des vide-ordures lorsqu’elle est motivée par des impératifs d’hygiène ;
- des travaux résultant de l’individualisation des contrats de fourniture d’eau ;
- des travaux d’amélioration de l’immeuble (transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existants, aménagement ou création de locaux communs…).
Sont également concernés les travaux d’intérêt collectif portant sur les parties privatives, visés à l’article 25 f et définis à l’article R. 138-2 du Code de la construction et de l’habitation, à savoir :
- les travaux d’isolation thermique des parois vitrées donnant sur l’extérieur comprenant, le cas échéant, l’installation de systèmes d’occultation extérieurs ;
- la pose ou le remplacement d’organes de régulation ou d’équilibrage sur les émetteurs de chaleur ou de froid ;
- l’équilibrage des émetteurs de chaleur ou de froid ;
- la mise en place d’équipements de comptage des quantités d’énergies consommées.
Des interrogations peuvent parfois survenir sur l’application de ces textes. Faisons une comparaison entre les compteurs divisionnaires d’eau froide et les répartiteurs de chaleur. Pour ces derniers, le copropriétaire est tenu de laisser l’accès à ses lots puisqu’il s’agit de travaux d’intérêt collectif. En revanche, les compteurs d’eau froide ne sont pas repris dans la liste des opérations imposant de laisser l’accès aux parties privatives. Ils ne constituent pas non plus des travaux d’intérêt collectif puisque l’article R. 138-2 précité vise les équipements de comptage «des quantités d’énergies consommées». Or, il ne s’agit pas ici d’énergie mais de fluide. Faut-il en déduire que pour tous les travaux non visés à l’article 9, le copropriétaire serait en droit de refuser l’accès à ses lots ? Rien n’est moins sûr.
Les autres cas permettant l’accès aux parties privatives
Plusieurs décisions de justice ont étendu cette obligation aux travaux d’entretien ou d’urgence à une époque où le législateur ne l’avait pas encore expressément prévu (CA Paris, 24 juin 2005 ou encore Cass. 2e civ., 21 janvier 2010). Sur ce point, on saura gré aux auteurs de la loi ALUR d’avoir modifié l’article 9 afin de prendre en compte ces travaux.
L’accès aux parties privatives peut également être exigé lorsqu’il s’agit d’exécuter des décisions de l’assemblée générale, le métrage des lots privatifs par exemple (Cass. 3e civ., 5 octobre 2017). Mais il ne s’agit pas d’une généralité : on ne saurait ainsi voter une autorisation de pénétrer dans des parties privatives afin de contrôler les travaux réalisés par le copropriétaire à l’intérieur de son lot, seul le juge étant en capacité de fournir une telle autorisation (CA Paris, 8 décembre 1986).
La notification des travaux
Les travaux entraînant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires au moins 8 jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens (article 9 précité). La notification se fait par LRAR ; un simple affichage dans les parties communes ne suffit pas. A défaut du respect de ce formalisme, le copropriétaire concerné peut tout à fait refuser l’accès de ses parties privatives. Ce n’est qu’en cas d’urgence que l’information préalable n’est pas requise.
Si le logement est loué, l’information est faite au copropriétaire et non au locataire. Il appartiendra au bailleur d’informer son preneur, par LRAR ou acte remis en main propre, de la nature et des modalités d’exécution des travaux (article 7 de la loi du 6 juillet 1989). Aucun délai de prévenance n’est ici fixé. Toutefois, les travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l’accord exprès du locataire.
Une mauvaise coordination dans l’information des différentes parties et l’absence totale de réflexion sur la présence ou non de locataires dans la copropriété, peut donc avoir des conséquences sur le calendrier de réalisation des travaux. Un élément à ne pas négliger.