[N°638] - Le casse-tête des mandats en assemblée générale

par David Rodrigues - Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV).
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Le mandat permet aux copropriétaires qui ne peuvent participer à une assemblée générale de faire entendre leurs voix. Un moyen qui favorise le processus décisionnel. Pourtant, malgré son caractère incontournable en copropriété, on a tendance à oublier que le mandat est un contrat liant deux personnes et que le syndicat y est étranger.

Le choix du mandataire
L’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : «Tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat». Le mandant est donc libre de son choix et il lui est possible de désigner une personne étrangère à la copropriété, son locataire par exemple. Cette liberté n’est cependant pas absolue mais les textes de manquer ici de clarté.
Ainsi, conformément au 4e alinéa de l’article 22, le syndic, son conjoint ou partenaire lié à lui par un PACS et ses préposés ne peuvent recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire.
Et le 5è alinéa de poursuivre : «Les salariés du syndic, leurs conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et leurs ascendants ou descendants qui sont également copropriétaires de l'immeuble bâti ne peuvent pas porter de pouvoirs d'autres copropriétaires pour voter lors de l'assemblée générale». Les conjoints et partenaires auxquels il est fait référence sont-ils ceux des salariés du syndic ou du syndic lui-même ? L’hypothèse du conjoint du syndic étant déjà visée dans le 4e alinéa, il devrait s’agir donc de celui des employés. Or, dans ce cas, les ascendants et descendants auxquels il est fait référence sont également ceux des salariés de sorte que les enfants du syndic pourraient être mandatés par un copropriétaire… Ce qui est loin d’être l’intention du législateur… Par sécurité, on s’abstiendra de tout mandat à un membre de la famille du syndic.
Autre problème : pourquoi une distinction entre «préposés» et «salariés» ? C’est un amendement parlementaire issu de la loi ALUR qui est l’origine du 5e alinéa de l’article 22. Dans l’exposé des motifs, il est fait référence au gardien de la copropriété, le but étant d’étendre l’interdiction de porter des mandats à celui-ci. Or, le gardien est l’employé de la copropriété et non du syndic de sorte que l’interdiction ne peut le concerner, du moins en l’état actuel de la rédaction des textes.

La forme du mandat
Le mandat doit résulter d’un écrit (Cass. 3e civ., 19 juillet 1995) et être signé par le copropriétaire (CA Paris, 13 octobre 2010). Le mandat apparent est exclu, sauf cas bien particuliers (entre époux par exemple, CA Paris, 11 septembre 1992). Sinon, aucune mention n’est nécessaire dès lors que le mandant est clairement identifié. Pas même le fameux «bon pour pouvoir» (CA Paris, 27 mars 2003).
Le mandat n’est valable que pour une assemblée générale déterminée et non pour une assemblée postérieure, quand bien même aurait-elle le même objet, telles les assemblées de rattrapage convoquées en application de l’article 25-1 (CA Paris, 22 février 2007).

La question du mandat en blanc
Rien n’interdit de délivrer un pouvoir en blanc, c’est-à-dire sans indication du nom du mandataire, mais à la condition qu’il ne soit pas distribué par le syndic, ceci afin d’éviter qu’il puisse influencer l’issue des votes (Cass. 3e civ., 28 mars 1990).
Le mieux est alors de remettre les mandats en question à plusieurs membres du conseil syndical, lesquels procèderont ensuite à leur distribution.

La portée du mandat
Le mandat est un contrat qui lie le mandant à son mandataire et uniquement ces deux personnes. Ce dernier est libre de voter dans un sens ou dans un autre pour chaque résolution. En aucun cas le syndic n’a le pouvoir d'empêcher un mandataire d'émettre un vote contraire aux consignes exprimées dans un mandat. La Cour de cassation est claire : le caractère impératif du mandat est inopposable au syndicat des copropriétaires et seul doit être pris en compte le vote exprimé par le mandataire (Cass. 3e civ., 8 septembre 2016).

Limitation du nombre de mandats
Chaque mandataire ne peut, à quelque titre que ce soit, recevoir plus de trois délégations de vote. Toutefois, il peut en recevoir plus de trois si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n'excède pas 5 % des voix du syndicat (article 22 précité). Un mandataire peut donc représenter plus de 5 % des voix du syndicat dès lors qu’il détient moins de 4 mandats. Au-delà, la limite est impérative et entraîne l’annulation des résolutions votées sans qu’il y ait lieu de rechercher si l’application des textes aurait eu une incidence ou non sur l’issue des votes (CA Paris, 13 juin 2007).
La question s’est longtemps posée quant aux modalités de décompte du seuil de 5 % lorsque des mandats sont délivrés aux membres d’un couple. La Cour de cassation a précisé ici que chacun des époux, propriétaires communs ou indivis d’un lot, peut recevoir personnellement des délégations de vote, dans les conditions et limites de l’article 22 (Cass. 3e civ., 9 février 2017). Chacun peut donc recevoir 3 mandats sans que l’on n’ait à vérifier si le seuil de 5 % est dépassé ou non.

La subdélégation
La subdélégation consiste pour le mandataire à désigner une autre personne afin de représenter le mandant. Si le pouvoir prévoit expressément ce cas, la question de la validité de la subdélégation ne se pose pas. Mais cela devient plus compliqué s’il est muet sur le sujet.
Dans un arrêt en date du 16 mars 2016, la Cour de cassation avait validé une subdélégation opérée en cours d’assemblée en l’absence de toute mention dans le mandat. Faut-il y voir un droit automatique à la subdélégation ? Rien n’est moins sûr. Dans cette affaire, le mandataire était lui-même copropriétaire et avait donc, de par l’article 22 de la loi de 1965, la possibilité de délivrer un mandat à toute personne de son choix. La solution aurait pu être différente si le mandat avait été délivré à un tiers. C’est pourquoi, par sécurité, il est préconisé de toujours prévoir le cas de la subdélégation, notamment si le mandataire est in fine amené à détenir des pouvoirs en trop grand nombre.