Copropriété : Recevabilité de la tierce-opposition d’un copropriétaire

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de paris, Docteur en droit
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Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

Définition.- La tierce opposition est une procédure prévue aux articles 582 et suivants du Code de procédure civile. Elle «tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque». Cette procédure est peu souvent employée en droit de la copropriété bien qu’elle puisse être particulièrement utile. 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 679 de juin 2022

Conditions de recevabilité.- Sa recevabilité suppose la réunion de trois conditions. D’abord, le demandeur ne doit pas avoir été partie à l’instance. Ensuite, il doit disposer d’un intérêt légitime à agir. Enfin, il ne doit pas avoir été représenté lors de l’instance. C’est souvent sur cette troisième condition que bute la pratique et sur laquelle s’est plusieurs fois interrogée la doctrine, en particulier en présence de l’action d’un copropriétaire. En effet, s’il fallait le rappeler, les copropriétaires ne se confondent pas avec le syndicat des copropriétaires, personne morale de droit privé. Pour autant, dans certaines hypothèses, le syndicat a seul, qualité à représenter la collectivité de ses membres. Il convient donc toujours de s’interroger sur l’existence d’intérêts distincts entre ceux de la collectivité des copropriétaires, représentée par le syndicat, et des copropriétaires pris individuellement (Cass. 3e civ., 17 juill. 1985, n° 84-12.519 ; Cass. 3e civ., 28 juin 1989, n° 88-10.214 ; Cass. 3e civ., 7 juill. 2015, n° 14-16.566). C’est la distinction classique faite par les alinéas 1 et 2 de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965. 

Irrecevabilité (illustrations).- La tierce-opposition formée par des copropriétaires a pu être jugée comme irrecevable lorsqu’en principe, seul le syndicat des copropriétaires est habilité à agir en application de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965. Il a ainsi été admis, par exemple, qu’en principe, en matière de contestation d’assemblée générale, seul le syndicat des copropriétaires avait qualité à défendre et représenter tous les copropriétaires (Cass. 3e civ., 2 oct. 1996, n° 94-18.943). La même solution a pu être retenue à l’occasion d’une action en annulation d’une répartition des charges non conformes à la loi (Versailles, ch. 4, 10 juin 2013, n° 11/07449).

Recevabilité (illustrations).- A l’inverse, la tierce-opposition des copropriétaires a pu être admise, par exception au principe susmentionné, par un jugement emportant annulation de résolutions ayant une incidence sur leurs droits, qu’ils soient de propriété ou de jouissance (V. Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, n° 15-11.469 ; 10 oct. 2019, n° 18-19.555 ; Cass. 3e civ, 2 févr. 1994, n° 91-12.676). La tierce-opposition d’un copropriétaire a également pu être jugée recevable lorsqu’il avait un droit distinct de celui du syndicat pour assurer le maintien d’une servitude de passage attachée à son lot (Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-16.433). Il peut, enfin, être relevé, sans que cette liste ne soit exhaustive, le cas intéressant où un copropriétaire avait formé tierce opposition à un jugement ayant condamné son locataire commercial à procéder à la dépose de panneaux publicitaires apposés sur la façade à la demande du syndicat (Cass. 3e civ., 26 mars 2020, n° 18-22.441).

Perspectives.- Ces hypothèses invitent les praticiens à deux prudentes actions. La première consistera à s’interroger sur les possibilités qui s’offrent aux tiers à la procédure. La seconde consiste à s’interroger sur la nécessité d’assigner des personnes qui peuvent apparaître comme tierces à la procédure mais qui pourraient, postérieurement à celle-ci, la remettre en cause.

Pierre-Edouard Lagraulet

 

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit