Copropriété : La demande judiciaire ayant pour objet de faire reconnaître le caractère non écrit d’une clause du règlement de copropriété

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de paris, Docteur en droit
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Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

Quoi ? - «Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites». Cette règle, fixée par l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 est particulièrement connue car elle fixe à la fois le caractère impératif de la plupart des dispositions de cette loi, et la sanction spécifiquement attachée à leur violation, que celle-ci résulte du règlement de copropriété ou de tout autre acte (EDD, PV d’AG, etc. ; v° en ce sens, H. Périnet-Marquet, JCP N n° 9, 5 mars 2021, 1124). C’est ainsi que lorsque l’assemblée générale décide d’adopter un critère illégal de répartition des charges, il importe peu que l’action en nullité n’ait pas été exercée dans le délai de deux mois : l’action en constatation de l’illicéité de la clause sera toujours possible comme distincte de la première (Civ. 3e, 28 nov. 2019, n° 18-15.308 et 18-15.757).

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 675 de janvier-février 2022

Qui ? - La demande peut être formulée par le syndicat des copropriétaires (Civ. 3e, 24 mars 1981, n° 79-16.560) comme par tout copropriétaire, sans qu’il ait à justifier d’un intérêt personnel et direct, ou d’un préjudice résultant de l’application de la clause (Civ. 3e, 9 févr. 1982, n° 80-11.710). Elle devrait également pouvoir être exercée par un tiers au syndicat dès lors que l’article 43 n’a pas institué une action attitrée (En ce sens, J. Lafond, Loyers et copr. n° 1, janv. 2018, étude 1, §12 ; contra : H. Périnet-Marquet, précit.). 

 

Quand ? - La demande peut être formulée «à tout moment» (Civ. 3e, 10 sept. 2020, n° 19-17.045), ce qui rend l’action imprescriptible.

 

Comment ? - La demande peut être formulée tant par voie d’action que d’exception, sans avoir à requérir sa publication préalable au service de la publicité foncière (Civ. 3e, 28 janv. 2003, n° 01-16.257). Elle ne pourra toutefois être formulée que devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble en application des dispositions de l’article 61-1 de la loi du 10 juillet 1965.

En outre, la demande devra être clairement formulée dès lors que le juge ne peut se substituer aux parties, même lorsque l’une d’elle s’oppose à l’application d’une clause du règlement de copropriété relative à la réparation de charges (Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-14.298). Il ne peut soulever d’office le moyen.

 

Conséquence dans le temps ? - En principe, le constat de l’illicéité de la clause devrait emporter un effet rétroactif. C’est le cas le plus souvent (Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-20.514), ce qui permettra, par exemple, de résister efficacement à une demande en nullité d’un acte de vente de chambre de bonnes à un tiers au syndicat illicitement interdit par une clause du règlement. 

Il existe toutefois deux exceptions à ce principe. La première est prévue par la loi et elle est relative aux clauses de répartition des charges. En effet, l’article 43, alinéa 2, de la loi de 1965 prévoit qu’après avoir constaté le caractère non écrit de la clause (Civ. 3e, 9 mai 2019, n° 18-17.334), le juge procède à la nouvelle répartition des charges, c’est-à-dire en décide et en ordonne la publication. Cette nouvelle répartition prend alors effet au premier jour de l’exercice comptable suivant la date à laquelle la décision est devenue définitive. 

L’autre exception est prétorienne et prive d’effet rétroactif - c’est heureux - la disparition de la clause organisant la création de syndicats secondaires (Civ. 3e, 20 mai 2009, n° 07-22.051, 08-10.043 et 08-10.495).

Pierre-Edouard Lagraulet

 

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit