[N° 576] - TRIBUNE LIBRE : Les emprunts toxiques en copropriété

par Pierre OLIVIER
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En copropriété, la rénovation énergétique passe par l’emprunt. La rénovation à dimension énergétique des immeubles anciens, “objectifs Grenelle“, requiert des programmes de travaux coordonnés, avec des budgets de l’ordre de 15 à 25 000 € pour un appartement moyen. Les fonds travaux existants, les ressources disponibles et les éventuelles aides seront bien inférieures au besoin. Le recours à l’emprunt est donc inéluctable.

La tentation de l’Emprunt collectif à adhésion individuelle (ECAI).
Comment donc rassembler la mosaïque de copropriétaires aux objectifs divergents autour d’un même programme pour «voter la même chose en même temps» ? Les solutions individuelles de financement, comme les dispositifs d’aide attachés aux personnes, créent des discriminations préjudiciables à l’adhésion au projet collectif. L’Emprunt collectif à adhésion individuelle apparaît alors comme la solution fédératrice, susceptible de répondre à cet objectif d’universalité. En effet, les conditions d’adhésion sont très souples et le prêt peut financer 100% de la dépense. L’attrait est indéniable d’autant qu’une couverture de risque externalisée se substitue à la solidarité du syndicat.

Les pièges de l’ECAI.
L’analyse approfondie des ECAI montre une situation moins idyllique.
• La durée ECAI est limitée à 10 ans alors que le prêt classique peut s’amortir sur 15 ans ;
• Le taux réel ECAI avec les frais de caution, se situe 1,5 à 2 % au dessus du taux bancaire ;
• La gestion de l’ECAI induit des prestations complémentaires pour les services du syndic.
L’intégration de ces trois composantes entraîne une hausse des trimestrialités de l’ordre de 50 % en défaveur des ECAI par rapport à la solution individuelle.

Les risques pour le copropriétaire.
Bien évidemment, seuls les copropriétaires en délicatesse avec leur banque, souvent les plus défavorisés, vont être obligés de recourir à l’ECAI après le vote. Les plus démunis subiront donc les charges les plus lourdes et verront s’aggraver leur risque de surendettement.

Les risques pour le syndicat.
L’absence de solidarité du syndicat est un leurre, elle ne résiste pas à l’analyse. Si un copropriétaire peine à rembourser, il aura aussi des difficultés à couvrir ses charges courantes, la solidarité sera alors effective.

L’ECAI est un emprunt toxique, facteur de zizanie dans la copropriété en créant une véritable ségrégation financière, à l’opposé des objectifs de cohésion recherchés.

Le besoin, une approche collective amont et aval.
La rénovation énergétique met en évidence les déficiences génétiques du statut de la copropriété, dans lequel le droit de propriété individuelle prime sur le collectif. Le vrai besoin, selon notre expérience de praticiens, est celui d’une personnalité morale entière, immatriculée, avec une gestion financière collective globale, seule approche cohérente susceptible de ramener la sérénité dans les assemblées générales.

Une gestion financière collective globale :
• Provisions en amont pour prendre en compte l’usure (solidarité temporelle) ;
• Emprunts et dispositifs d’aide collectifs pour financer les investissements sur l’ouvrage commun.
La gestion du syndic sera allégée avec un seul emprunt et 1 à 2 lignes de charges financières par lot.

Pierre Olivier*

* Auteur de l’ouvrage “Sauvons les copropriétés - Ce qu’il faut changer“, M. Olivier est directeur général de Copro +, société de conseil auprès des copropriétés, reconnue comme Jeune entreprise innovante (JEI) par le ministère de la recherche et l’administration fiscale.

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