[CCED N°11] - Le point sur : La “notification” de l’ordonnance taxant la rémunération de l’administrateur provisoire

par Caroline FAUVAGE, Avocat au barreau de Paris
Affichages : 3917

Selon les articles 713 à 715 du Code de procédure civile, l’ordonnance de taxe rendue par le président d’une juridiction de première instance peut être frappée d’un recours devant le premier président de la cour d’appel par «tout intéressé», dans un délai d’un mois à compter de sa «notification».

 

Lorsque la taxation concerne la rémunération de l’administrateur provisoire d’une copropriété en difficultés, l’application des dispositions précitées suscite un questionnement.

Classiquement, l’ordonnance de taxe comporte la mention selon laquelle l’administrateur provisoire la «notifiera» aux copropriétaires.

En pratique, cette notification est opérée selon un courrier recommandé avec accusé de réception, spécifiant à chaque copropriétaire qu’il bénéficie d’un délai de contestation d’un mois à compter de sa réception (ou plus exactement de sa première présentation), conformément aux articles 714 et 715 du Code de procédure civile reproduits in extenso.

Toutefois on peut s’interroger sur la réelle portée de cette notification, dès lors que le droit de former un recours contre cette ordonnance de taxe est paradoxalement dénié aux copropriétaires, pris ut singuli.

En effet, aussi large soit sa formulation, la notion du «tout intéressé» employée par l’article 714 du Code de procédure civile, voit ici son acceptation aussitôt restreinte par l’article 31 du même code.

D’une portée générale, l’article 31 dispose que le droit d’agir est ouvert à tous ceux qui y ont un intérêt légitime, «sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé».

Précisément, au visa de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, la jurisprudence réserve le recours contre les ordonnances de taxe au syndicat des copropriétaires, considérant qu’il a, seul, qualité à agir en justice au nom de la collectivité des copropriétaires, à l’exclusion des copropriétaires pris individuellement (Cass. 3e civ., 7 mai 2014, n° 13-10.943, publié au bulletin ; CA Paris pôle 1, ch. 7, 9 février 2015,
RG n°14/18590).

De prime abord, cette position interpelle. En effet, tout copropriétaire a nécessairement un «intérêt légitime» à contester la rémunération de l’administrateur provisoire, s’agissant d’une charge commune générale de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, dont il supporte le coût au prorata des tantièmes de parties communes attachés à son lot.

Mais, constat pris de ce que l’action en contestation de la rémunération de l’administrateur provisoire ne concerne ni la propriété, ni la jouissance d’un lot, la jurisprudence en déduit l’impossibilité pour un copropriétaire de se prévaloir d’un intérêt personnel distinct de celui de la collectivité, lui permettant d’agir seul au sens de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965.

Il est ainsi jugé que la simple réception par les divers copropriétaires d’une lettre recommandée qualifiée de notification, avec mention des délais de recours, ne permet pas de rendre recevable leur contestation, dès lors que celle-ci n’est pas ouverte par la loi.

Dans ces conditions, pourquoi continuer à «notifier» aux copropriétaires les ordonnances de taxe, en leur indiquant qu’ils disposent d’un droit de recours ?

Plus encore, la solution jurisprudentielle paraît revenir, en réalité, à écarter tout recours possible contre une ordonnance de taxe. Dans la mesure où l’administrateur provisoire a qualité à agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires, on conçoit difficilement qu’il prenne l’initiative de contester la taxation de sa rémunération, tout du moins lorsque d’aucuns la jugeront excessive.

Pour dépasser ce conflit d’intérêts, certaines juridictions du fond s’emploient, désormais à suggérer une issue, en indiquant que ce recours pourrait être exercé par le syndicat des copropriétaires «éventuellement représenté par un administrateur judiciaire» (CA Paris, pôle 1 ch. 7, 10 octobre 2016, RG n° 15/05108), ou «au besoin représenté par un administrateur ad hoc spécialement désigné à cette fin» (CA Rouen, 14 février 2017, RG n° 15/03401).

Les possibilités de faire désigner un mandataire ad hoc sont toutefois limitées par la loi du 10 juillet 1965 et son décret. 

A supposer qu’une telle demande puisse être introduite sur le fondement des articles 484 ou 493 du Code de procédure civile, il resterait encore à concilier cette démarche avec le délai de recours d’un mois. Et ce, sans compter le coût associé à cet exercice pour le moins artificiel.

Sous réserve de cette alternative, dont on peut douter du réalisme, la communication des ordonnances de taxe aux copropriétaires semble ainsi procéder davantage d’une simple information que d’une notification.