Portrait : Yves Rouquet ou la flamme d’un «moine codiste»

par Sophie Michelin-Mazeraux, Journaliste juridique
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Yves RouquetL’érudition sans l’insolence. La réussite sans l’orgueil. Yves Rouquet s’est imposé progressivement comme un décrypteur avisé du droit immobilier. D’abord, au sein d’une association de consommateurs, puis chez un célèbre éditeur juridique aux codes rouges. Prolifique et studieux, il est même l’auteur d’une thèse intitulée Réflexions sur 15 ans de législation en matière de copropriété et de baux. Qui dit mieux ? 

Rien ne prédestinait Yves Rouquet à s’engager sur le chemin des études juridiques, sinon peut-être le souhait de devenir commissaire de police. «Une idée de jeunesse qui n’a pas fait long feu», confie-t-il avec amusement. Pourtant le droit le happe, et il obtient en 1988 à la faculté de droit de l’Université Paris XII (Val-de-Marne) un diplôme d’études supérieures spécialisées en droit de la construction et de l’urbanisme. «Dès cette époque, je me suis jeté à corps perdu dans les baux d’habitation, les baux commerciaux et la copropriété, des matières éminemment concrètes, en prise avec le réel», explique-t-il. 

Ce goût pour le droit au service de la pratique, il l’assouvit durant sept années en devenant responsable du secteur habitat de l’association Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV). Cette expérience inaugurale fut particulièrement formatrice et galvanisante, raconte-t-il. «Il fallait à la fois accompagner les particuliers dans le règlement de leurs litiges, conseiller les structures internes de la CLCV, mais aussi représenter les consommateurs auprès des pouvoirs publics et des professionnels pour imaginer notamment le monde de l’habitat de demain».

Parmi ses autres faits d’armes au sein de la CLCV, figurent sa contribution à la création d’une structure dédiée à la copropriété, la Fédéco, qui n’existe plus aujourd’hui en tant que telle, et la copaternité d’une recommandation de la Commission des clauses abusives sur les contrats proposés par les syndics, qui a fait date. 

Changement de cap en 1996, mais toujours avec pour boussole le droit immobilier, Yves Rouquet intègre les Editions Dalloz, pour revêtir les habits du «moine codiste». Dit autrement, lui échoit la responsabilité de faire vivre différents codes, dont celui de la copropriété. «En dépit du caractère un peu austère de ce nouveau métier où j’avais tout à apprendre, je n’ai jamais regretté ce choix», souligne Yves Rouquet avec enthousiasme. D’autant que quelques années plus tard, il prend, entre autres choses, les rênes d’une revue mensuelle de référence, à savoir l’AJDI. 

Un accomplissement pour cet observateur aguerri de l’actualité qui ne boude pas son plaisir à imaginer comment un article ou un ouvrage va se déployer au contact d’une équipe éditoriale. Ce goût du partage s’illustre également par le fait qu’Yves Rouquet est enseignant à l’Université Paris Dauphine ainsi qu’à l’Institut de droit et d’économie appliqués à l’immobilier (ICH- Paris), une structure qui relève du Conservatoire national des arts et métiers.

Quand la conversation se porte sur le bilan du quinquennat en matière de copropriété, Yves Rouquet se montre volubile. S’il salue la réforme opérée en 2019 qui a permis de bousculer les tables de la loi de 1965, de dépoussiérer le statut et de doter le conseil syndical de nouveaux pouvoirs, il regrette que l’adoption de la partie législative d’un Code de la copropriété à droit constant n’ait pas vu le jour. «Le droit de la copropriété est devenu un maquis inextricable, qui plonge parfois les copropriétaires, mais aussi les professionnels, dans un certain désarroi». Prenant la peine d’ajouter : «Bien que ce travail de codification soit une entreprise exigeante et de longue haleine, il faudra cependant qu’il soit mené, peut-être par la prochaine équipe gouvernementale». Qui sait ?