[N°642] - Choisir les fournisseurs de la copropriété : Règles, mandats et procédures

par Par Paul Turenne
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Fournisseurs d’énergie, de fluides, sociétés de nettoyage, de dépannage… Nombreux sont les fournisseurs à intervenir en copropriété. Des interventions qui nécessitent le respect de règles… et la vigilance des copropriétaires pour faire des économies. État des lieux.

Bien que n’étant pas explicitement reconnus dans le Code civil, les contrats de service sont définis expressément par la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 comme «tout contrat autre qu’un contrat de vente duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci».
 
Ce contrat à durée déterminée comporte une clause de reconduction tacite qui doit faire l’objet d’une obligation d’information par le professionnel prestataire au profit du syndicat des copropriétaires. Le choix du prestataire est voté en assemblée générale à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, sachant que depuis la loi SRU, le syndic doit satisfaire à l’obligation de concurrence des prestataires de services en copropriété, sous peine de risquer de voir sa responsabilité engagée. Les propositions doivent être jointes à la convocation à l’assemblée générale et la question inscrite à l’ordre du jour.
 
 Le syndicat de copropriétaires :
un «non-professionnel» qui peut bénéficier des mêmes protections
qu’un simple consommateur vis-à-vis d’un professionnel ?
 
Un syndicat de copropriétaires, qui a pour fonction essentielle l’entretien et la gestion de l’immeuble dans le cadre des décisions votées en assemblée des copropriétaires, possède exactement les mêmes droits qu’un consommateur vis-à-vis de prestataires de services.
 
Même s’il est représenté par un syndic professionnel, le syndicat n’en demeure pas moins qu’un exécutant et non un décideur concernant les contrats conclus avec ces fournisseurs. À ce titre, il doit bénéficier des dispositions protectrices de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, comme l’a confirmé la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 25 novembre 2015, n° 14-20.760). Celle-ci a, en effet, acté la non-exclusion des personnes morales de la catégorie des non-professionnels pouvant bénéficier de ces dispositions qui ont vocation à s’appliquer aux contrats conclus entre professionnels, d’une part, et non-professionnels et consommateurs, d’autre part.
 
Très concrètement, les dispositions de l’article L. 132-1 relatives aux clauses abusives s’appliquent ainsi au syndicat de copropriétaires. La jurisprudence suscitée considère abusive, et en conséquence réputée non écrite, une clause qui, d’une part, ne prévoit aucun motif légitime permettant au consommateur de se dégager du contrat avant l’échéance stipulée et qui, d’autre part, prévoit, en cas de dénonciation illicite du seul fait du consommateur, une sanction financière à l’encontre de ce dernier. Et ce alors qu’aucune sanction n’est prévue en cas de dénonciation du contrat par le professionnel pourtant soumis au même engagement concernant la durée du contrat. Cette clause est, en effet, de nature à déséquilibrer de façon significative les relations contractuelles au détriment du consommateur au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, eu égard à l’économie du contrat.
 
À titre d’exemple, un syndic avait conclu en sa qualité de syndic de plusieurs syndicats de copropriétaires divers contrats de prestations de services qui prévoyaient un «renouvellement par tacite reconduction d’année civile en année civile, sauf préavis donné par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois avant son expiration». Or, le syndic avait décidé de résilier ces contrats sans respecter les délais et préavis, ce qui avait conduit la société prestataire à l’assigner afin de lui réclamer des dommages et intérêts pour résiliation abusive.
 
Le syndic a pu, notamment, faire valoir que le professionnel n’avait pas respecté les termes de l’article L. 136-1 du Code de la consommation, selon lequel le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. La possibilité de mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction, a donc été reconnue et le professionnel été débouté de ses demandes.
 
Attention ! Si un prestataire de services informait dans ces délais le syndic par écrit en LRAR - afin de conserver la preuve de cette information, il pourrait être fondé à réclamer des dommages et intérêts pour résiliation abusive.

 
Prudence, en cas d’interventions en urgence !
 

Fuite d’eau importante, contrôle d’accès bloqué, problèmes électriques… Autant de situations qui peuvent poser problème si elles surviennent en dehors des horaires d’ouverture du cabinet de syndic. Le conseil syndical n’a dès lors qu’une solution : faire intervenir un professionnel en urgence. Mais mieux vaut avoir anticipé car les entreprises joignables en soirée et le week-end ne sont pas majoritaires.
 
Premier point à vérifier : y a-t-il une urgence vitale ou un risque pour les personnes du fait de cette situation ? Si oui, c’est naturellement vers les services de secours qu’il faudra se tourner. Dans le cas contraire, il s’agira de trouver un professionnel disponible pour intervenir en urgence, compétent et ne pratiquant pas des tarifs déraisonnables…
 
La méfiance est de mise avec les sociétés de dépannages express, toujours promptes à laisser leurs coordonnées dans les parties communes ou les boîtes aux lettres. Outre la qualité des travaux qui laisse souvent à désirer, les tarifs de certains aigrefins sont parfois jusqu’à dix fois supérieurs à ceux pratiqués par un professionnel honnête ! Chaque année, plus 8 000 victimes de sociétés de dépannage à domicile déposent ainsi plainte auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
 
Du reste, comme dans bien des cas, l’anticipation est le maître-mot pour éviter de se retrouver piégé. Le conseil syndical a ainsi tout intérêt à compulser l’ensemble des contrats de maintenance des équipements collectifs de l’immeuble. L’objectif ? Déterminer précisément ce qui est pris en charge et, notamment, si des interventions en urgence sont prévues.
 
Pour les contrats de maintenance d’ascenseurs, la question ne se pose pas. Et pour cause, les obligations réglementaires d’intervention prévoient qu’un contrat minimal inclut le dégagement des personnes bloquées en cabine 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 avec un dépannage 7 jours sur 7. Le délai d’intervention maximal est, en revanche, à définir entre les deux parties. Un élément qui peut avoir son importance pour les malchanceux coincés lors d’une panne !
 
Pour tous les autres prestataires, charge aux copropriétaires d’être bien au fait du contenu des contrats de maintenance pour savoir ce qui est pris en charge et si les interventions en urgence sont inclus. En ce qui concerne le chauffage collectif, bon nombre contrats de base d’exploitation et de maintenance prévoient une astreinte avec une garantie d’intervention 7 jours sur 7. Au-delà d’un certain nombre d’heures consécutives sans chauffage, la prestation est considérée comme non exécutée, avec à la clé une pénalité à payer pour le prestataire.
 
D’autres équipements peuvent donner lieu à des contrats d’entretien. Toutefois, sans obligation réglementaire, la pertinence de ces derniers doit être étudiée en comparant leur prix par ceux d’interventions ponctuelles. Ainsi, à titre d’exemple, une porte de garage dysfonctionnant peut, dans la quasi-totalité des cas, s’ouvrir mécaniquement. Dès lors, payer un service d’astreinte ne se justifie sans doute pas la plupart du temps

À retenir
> Les travaux de maintenance définis à l’article 45 du décret du 17 mars 1967 ne font pas l’objet de délibérations particulières de l’assemblée générale et sont approuvés globalement dans le vote du budget prévisionnel annuel.
> Les travaux autres que de maintenance doivent être décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
> L’assemblée générale doit arrêter, à la majorité absolue, un montant des marchés et des contrats à partir duquel une mise en concurrence est obligatoire.