Copropriété : Parties communes Vidéosurveillance Caméras.

par YS
Affichages : 1125

(Assemblée nationale - réponse publiée au JO le 06/10/2020 page : 6900)

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020

Philippe Gosselin attire l’attention de la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’installation de caméras de vidéosurveillance sur des parties communes à jouissance privative. Ces dernières, définies à l’article 6-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 comme des «parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot», sont présentes dans de nombreuses copropriétés (jardins, cours, balcons, toit-terrasses) et contiennent le plus souvent des effets et aménagements personnels. Certaines parties communes à jouissance privative sont accessibles par des parties privatives (appartements), d’autres par des parties communes (escalier, palier). Dans ce dernier cas, ces espaces sont généralement fermés à clés (cas des toit-terrasses dans les résidences). La CNIL indique sur son site que l’installation de caméras par un copropriétaire sur une partie privative, y compris dans son jardin ou sur un chemin d’accès privé, peut se faire sans demander l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, à condition toutefois que les caméras ne filment que les parties privatives. La question se pose de savoir si cette dispense d’autorisation vaut aussi pour des caméras installées sur des parties communes à jouissance privative. Il convient de préciser que les modalités d’exercice d’un droit de jouissance exclusive sont assimilées par les juges aux modalités de jouissance des parties privatives (TGI Nanterre, 8e ch., 28 juin 2012, n° 11/09905 et TGI Paris, 8e ch. 3e sect., 13 sept. 2013, n° 12/11533). En outre, la jurisprudence considère que s’exercent, dans une partie commune à jouissance privative, les lois et règlements «qui protègent la propriété privée et la vie privée» (cf. CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 13 juin 2019, n° 17/19455 et 3 oct. 2019, n° 17/22124 ; voir aussi TGI de Paris, 8e ch. 3e sect., 25 nov. 2009, n° 08/03307). En conséquence de cette jurisprudence, pénétrer dans une partie commune à jouissance exclusive nécessite une autorisation expresse préalable du bénéficiaire de ce droit de jouissance, de la même façon que si on pénétrait dans une partie privative. On peut en déduire qu’un particulier peut, sans autorisation de l’assemblée générale, installer des caméras sur des parties communes à jouissance privative, dès lors que les zones filmées se trouvent bien à l’intérieur de celles-ci. Il convient sans doute d’informer le syndic de cette installation, sans que celui-ci ne puisse s’y opposer. Il lui demande de bien vouloir confirmer cette analyse et de préciser si d’autres modalités d’information doivent être prévues par le copropriétaire.

 

La loi ELAN a consacré légalement la notion jurisprudentielle de parties communes à jouissance privative, à l’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965, précisant que ce droit est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché et qu’il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot. Ces parties communes à jouissance privative, bien qu’affectées à l’usage exclusif d’un lot, demeurent des parties communes appartenant indivisément à tous les copropriétaires (Civ. 3è, 22 mai 1973, n° 72-11.406, 29 oct. 1973, n° 72-12.531, 26 juin 1974, n° 73-70.289), le droit de jouissance exclusive sur une partie commune n’étant pas assimilable à un droit de propriété (Civ. 3è, 27 mars 2008, n° 07-11.801). En conséquence, l’installation de caméras de vidéosurveillance dans les parties communes d’un immeuble en copropriété doit en principe faire l’objet d’un vote de l’assemblée générale des copropriétaires. De tels travaux, avec mise en place d’une installation fixe affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, doivent être spécialement autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires, en application du b) de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965. S’agissant de l’installation des caméras et indépendamment de leur orientation, certains juges du fond ont ainsi pu qualifier «d’emprise sur les parties communes» la présence d’une caméra fixée à la façade de l’immeuble et dirigée sur une terrasse à jouissance privative (tribunal de grande instance de Créteil, juges référés, 14 oct. 2014, n° 14/01038). De manière générale, la pose d’installations sur un balcon à jouissance privative entraînant le percement du mur de façade nécessite une autorisation de l’assemblée générale (CA Montpellier, 1ère ch., sect. D, 22 janv. 2013, n ° 11/05335). Certes, à titre exceptionnel, une telle autorisation n’est pas requise pour des menus travaux ne modifiant pas la substance et la destination de la partie commune à jouissance privative concernée (Civ. 3è, 6 déc. 1965, Ch. civ. 1), affectant des éléments mineurs de celle-ci (Civ. 3è, 12 juil. 1995, n° 91-14.507), ou d’aspect discret par leurs formes et dimensions et fixés par un ancrage léger et superficiel (Civ. 3è, 19 nov. 1997, n° 95-20.079). Mais, en tout état de cause, constitue un trouble manifestement illicite l’installation par un copropriétaire, en-dehors de tout consentement donné par les autres copropriétaires, d’un dispositif de vidéosurveillance orienté sur un chemin, partie commune, susceptible d’être emprunté par l’ensemble des copropriétaires et portant dès lors, atteinte au droit au respect de leur vie privée garanti par l’article 9 du Code civil et au libre exercice par les copropriétaires de leurs droits sur les parties communes (Civ. 3è, 11 mai 2011, n° 10-16967, confirmant l’arrêt de la CA Bastia, Ch. civ. B, 24 fév. 2010, n° R.G. : 09/00124).