Copropriété : Une nouvelle majorité ?

par Jean-Marc ROUX - Directeur scientifique des éditions Edilaix
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vote par correspondanceLes votes par correspondance sont-ils pris en compte pour la mise en conformité ELAN ?

Après avoir défini les règles fondamentales applicables au lot transitoire ainsi qu’aux parties communes spéciales ou à jouissance privative, la loi ELAN a introduit la possibilité de mettre les règlements de copropriété anciens en conformité aux principes insérés dans la loi du 10 juillet 1965.

A cette fin, et de manière dérogatoire, il a été permis aux copropriétaires de modifier leur charte dans des conditions moins contraignantes.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020

Il en découle les rédactions ci-dessous :

• Article 206 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 relatif au lot transitoire

«A cette fin et si nécessaire, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.»

• Article 209 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 relatif aux parties communes spéciales et aux parties communes à jouissance privative.

«A cette fin, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.»

 

Une incertitude semble être apparue à propos des modalités de vote de la mise en conformité souhaitée par la loi ELAN. Elle a pour origine la formulation de la majorité retenue par les deux articles de la loi du 23 novembre 2018. En effet, il est fait référence à «la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés».

D’où la problématique suivante : doit-on appliquer les dispositions légales à la lettre ou peut-on estimer que les textes renvoient implicitement à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, laquelle correspond aujourd’hui à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés «ou ayant voté par correspondance» ?

 

Les partisans de la première interprétation s’appuient sur plusieurs arguments.

Tout d’abord, ils soulignent que les articles 206 et 209 de la loi ELAN n’ont pas été intégrés au sein de la loi de 1965, de sorte que l’on peut imaginer qu’ils puissent créer une majorité indépendante de celle visée à l’article 24.

Ensuite, s’appuyant sur le libellé retenu, on pourrait arguer que les auteurs de la loi du 23 novembre 2018 n’ont pas mentionné que la décision de mise en conformité devait être adoptée «à la majorité de l’article 24 de la loi de 1965 » mais bien à «la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés» ; ce qui paraît faire allusion à une modalité indépendante d’adoption des décisions.

Enfin, il peut être fait état du caractère d’ordre public des dispositions dérogatoires qui, en tant que telles, doivent être d’interprétation stricte.

 

Cela dit, il nous semble difficile de cautionner pareille lecture.

 

Il ne faut pas oublier que la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés était la majorité figurant à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 lorsque la loi ELAN est parue au journal officiel. Quand bien même aurait-elle été à l’origine du droit de voter par correspondance lors d’une assemblée générale, cette loi de 2018 ne pouvait pas, à l’époque, mentionner un calcul de la majorité dite simple en visant les voix de ceux qui useraient du formulaire de vote ; cette possibilité ne devant entrer en vigueur qu’au 1er juin 2020.

Bien entendu, il aurait été plus simple de faire état dans les articles 206 et 209 de «la majorité de l’article 24» afin de couper court à toute discussion.

Par ailleurs, et de manière dirimante, on ne peut raisonnablement exclure de la mise en conformité certains copropriétaires au prétexte qu’ils useraient du vote par correspondance. Il s’agirait (et ce ne serait pas la première fois) d’une discrimination tendant à traiter différemment ceux qui sont présents ou représentés et ceux qui s’exprimeraient à distance grâce au formulaire de vote. Ce sont des copropriétaires comme les autres, dont les droits sont strictement identiques aux droits des autres membres du syndicat. Comment pourrait-on (et pour quels motifs ?) les empêcher de participer à la mise en conformité de leur règlement de copropriété ?

On ne peut qu’espérer - mais comment pourrait-il en être autrement ? - qu’il ne s’agisse que d’un manque d’anticipation ; une simple erreur de plume du législateur ELAN.

 

Il en résulte que les articles 206 et 209 de la loi devraient être lus de la manière suivante : la décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.