Inspectrice générale des affaires sociales, Blanche Guillemot a contribué, en 2006, à la création de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé), avant d’en devenir directrice générale adjointe en 2007. Depuis 2012, elle a successivement exercé les fonctions de conseillère pour le logement, puis de directrice adjointe du cabinet de la ministre de l’Égalité des territoires et du logement. Blanche Guillemot a été nommée le 30 mars 2014, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).
Crédit DR ©ANAH
En 2014, près de 716,8 millions d’euros d’aides ont été accordées par l’ANAH dont 179,3 millions d’euros émanant du Fonds d’aide à la rénovation énergétique (FART). Quelle est la part que représentent les copropriétés en difficulté ?
Et comment les actions de l’ANAH se concrétisent-elles ?
«En 2014, sur les 75 000 logements que l’ANAH a contribué à rénover, 13 000 étaient dans des copropriétés en difficulté et ont bénéficié de près de 52 millions d’euros d’aides. La somme de 43,1 millions, soit 80 % a été versée aux syndicats de copropriétaires Mais au-delà des aides financières, la grande force de notre agence est d’accompagner les collectivités locales pour identifier le plus tôt possible les copropriétés en difficulté et leur conseiller différents dispositifs tenant compte de la taille de la copropriété, de sa situation géographique (centre-bourg, périphérie urbaine…), de son ancienneté, de l’état du bâti, des revenus de ses habitants, du montant des charges et des impayés …»
L’ANAH, par la voix de ses deux présidents successifs, les sénateurs Dominique Braye et Claude Dilain, a contribué à la rédaction de la loi ALUR. A tel point que plusieurs dispositions de la loi relatives aux copropriétés en difficulté consacrent un droit nouveau de la copropriété. Quelles sont les mesures portées par l’ANAH pour accompagner le redressement des copropriétés dégradées voulu par le législateur ?
«La loi ALUR marque un tournant dans la gestion des copropriétés. L’ANAH a souhaité porter des mesures qui anticipent et réduisent les difficultés constantes auxquelles se heurtent aussi bien les syndicats de copropriétaires que les syndics chargés de la bonne gestion des biens en copropriété. Parmi les mesures qui ont été proposées par l’ANAH et adoptées par le législateur, on peut citer celle qui obligent le cédant à remettre à l’acheteur une fiche synthétique sur l’état du bâti, la situation financière de la copropriété et le montant des charges dont il faut s’acquitter ; des informations qui permettent à l’acheteur de mesurer précisément les dépenses qu’il devra assumer. Autres mesures bénéfiques, le changement des règles de majorité pour faciliter les décisions de travaux ou encore la mise en place du triptyque diagnostic / plan pluriannuel de travaux / fonds de travaux qui contribue à anticiper les besoins et les lisser dans le temps au moyen d’une épargne obligatoire qui garantit l’entretien du logement, sa qualité, sa valeur et le bien-être de la personne qui l’occupe. En ce qui concerne les syndics, certaines mesures visent à rendre les actions du syndic plus transparentes, notamment par l’obligation de séparation des comptes (possibilité de dispense pour les copropriétés de 15 lots au plus gérées par un syndic professionnel). Des mesures ont également été introduites pour clarifier leur rémunération : forfaitisation des prestations courantes, définition des prestations particulières par décret, encadrement de la rémunération des travaux. En ce qui concerne les administrateurs provisoires, leurs missions ont été élargies : une procédure a été instaurée pour leur permettre de résorber la dette du syndicat de copropriétaires, voire assurer la liquidation des syndicats dissous ou expropriés. Par ailleurs, les administrateurs provisoires peuvent également restructurer les grandes copropriétés, notamment par la possibilité de créer des syndicats secondaires pour créer des entités de gestion plus rationnelles. Pour les collectivités, la loi ALUR a crée un dispositif puissant, l’ORCOD, Opération de requalification des copropriétés dégradées, tenant compte des contraintes urbaines et sociales. A Clichy-sous-Bois, ce dispositif d’intervention immobilier et foncier dans lequel l’ANAH est engagée va procéder à un plan de relogement et d’accompagnement social des habitants, et définir une transformation durable du quartier.»
Quels sont les outils de l’ANAH pour l’identification des copropriétés en difficulté ?
«L’ANAH en partenariat avec les services de l’Etat a conçu un outil statistique de repérage des copropriétés fragiles. On a procédé à un classement en 4 catégories A, B, C, D allant du plus faible au plus fort potentiel de fragilité. Les résultats obtenus permettent aux acteurs locaux de repérer les zones à risque à l’échelle de la section cadastrale et d’engager des études locales complémentaires pour définir le besoin éventuel d’interventions curatives ou préventives. L’ANAH propose aussi, un dispositif de veille et d’observation le “VOC” qui consiste à aider les collectivités à connaître plus précisément les copropriétés fragiles et en difficulté sur leur territoire pour définir les priorités et hiérarchiser les actions.»
Comment s’effectue la collaboration entre l’ANAH et les acteurs du redressement des copropriétés (administrateur provisoire, collectivités publiques …) ?
«La collaboration prend la forme d’une contractualisation entre l’ANAH et la collectivité, maître d’ouvrage, qui va choisir de conduire une opération programmée ou un plan de sauvegarde. Une convention pluriannuelle est signée entre la collectivité et le représentant de l’ANAH au niveau local. La collectivité assure le pilotage du redressement (dans le cas d’un plan de sauvegarde, le pilotage peut est assuré par le préfet), coordonne les interventions des différents acteurs, dont les administrateurs provisoires, et finance une partie des actions nécessaires. L’ANAH subventionne au profit des collectivités des études méthodologiques et financières (audit comptables ou expertises techniques) ; elle finance l’accompagnement des copropriétaires pour définir avec eux un programme de travaux et apporte également des subventions aux syndicats de copropriétaires et / ou directement aux copropriétaires pour la prise en charge d’une partie des travaux.»
L’ANAH et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ont signé en mai dernier une convention pour la mise en œuvre d’un Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) : quels sont les objectifs de cette convention ?
«Parmi les 180 quartiers d’intérêt national situés en métropole, 85 d’entre eux nécessitent une action conjuguée de l’ANAH et de l’ANRU. Outre de lourds dysfonctionnements urbains ou problèmes d’enclavement, ces quartiers ont besoin d’interventions spécifiques sur l’habitat privé : en très grande majorité, il s’agit de copropriétés en difficulté situées dans de grands ensembles, et pour certains d’entre eux d’habitat indigne et dégradé dans des quartiers anciens. Les deux agences se sont donc organisées pour mieux travailler ensemble. La convention qui les lie permettra d’obtenir une intervention coordonnée, unifiée se fondant sur des compétences complémentaires et bien identifiées. A titre d’exemple, si une action de redressement d’une copropriété est nécessaire, elle sera prise en charge avec les dispositifs d’ingénierie de l’ANAH et avec son financement. En revanche, s’il s’avère nécessaire de démolir cette copropriété du fait de l’ampleur de sa dégradation ou des situations de danger qu’elle génère, ou de la transformer en logements sociaux, ce seront les financements de l’ANRU qui seront mobilisés.»
Un établissement public
L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est un établissement public placé sous la tutelle des ministères en charge du logement, du budget et de l’économie. La mission de l’ANAH est d’améliorer le parc de logements privés existants. A ce titre, l’ANAH contractualise avec les collectivités territoriales pour des opérations programmées (Opah). Elle est aussi opérateur de l’État dans la mise en œuvre de plans nationaux. L’ANAH accorde des aides financières pour travaux, sous conditions, à des propriétaires occupants, bailleurs et copropriétés en difficulté. Ses axes d’intervention sont la lutte contre l’habitat indigne et très dégradé, le traitement des copropriétés en difficulté, la lutte contre la précarité et l’adaptation du logement aux besoins des personnes âgées ou handicapées. Le budget annuel de l’ANAH est de l’ordre de 500 millions d’euros.