Regards croisés : Rénovation énergétique - Instaurer un plan pluriannuel de travaux obligatoire

par YS
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Instaurer un plan pluriannuel de travaux obligatoire

Mickaël NOGALMickaël Nogal, député de la Haute-Garonne, vice-président de la commission des affaires économiques, est le rapporteur pour le logement du projet de loi portant “Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets”. Après avoir participé à l’élaboration de la loi ELAN, le député fut, au printemps 2020, l’auteur de la proposition de loi visant à améliorer les relations entre propriétaires et locataires.

 

Quels seraient les contours de l’obligation d’un plan pluriannuel des travaux selon le projet “Climat et résilience” ?

Le sujet des copropriétés est au cœur des enjeux de la rénovation. On compte dans le parc immobilier français, 460 000 immeubles soumis au statut de la copropriété correspondant à 10,6 millions de logements selon le Registre national des copropriétés au 1er novembre 2020. La loi ÉLAN et l’ordonnance qui en résulte, ont contribué à moderniser le statut de la copropriété, en améliorant la gestion des immeubles marquant une étape importante pour leur rénovation.

L’article 44 du projet de loi luttant contre le dérèglement climatique et renforçant la résilience face à ses effets, s’inscrit dans cette continuité. Il procède à plusieurs modifications pour instaurer l’obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux (PPT). Ce dispositif issu de multiples discussions pendant de nombreux mois, est salué par tous les acteurs du logement. Il devra être élaboré dans un délai de quinze ans à compter de la date de réception de l’immeuble et comprendre une analyse de ses équipements et du bâti en se basant sur le DPE collectif prévu à l’article 40 du projet de loi.»

«Ce plan informera les copropriétaires sur les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, la préservation de la santé et sécurité des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie. Une estimation du coût des travaux, leur hiérarchisation et la proposition d’échéancier pour les dix prochaines années, permettront une information claire et précise sur la situation actuelle et future de l’immeuble. Le vote sur les modalités d’élaboration du PPT se fera à majorité simple ; alors que l’adoption du projet de PPT nécessitera une majorité absolue. Ce plan s’inscrit dans une volonté de lisibilité quant aux enjeux de performance énergétique et d’incitation pour les copropriétaires à entreprendre une rénovation. Il assure également un équilibre constitutionnel entre le respect du droit de la propriété et l’objectif d’intérêt général consistant à favoriser la rénovation énergétique.»

 

Parmi les propositions du rapport parlementaire sur la rénovation thermique (AN, n° 3871), la proposition visant pour l’État à abonder les fonds de travaux des copropriétés avec obligation de dépenser ces fonds pour des rénovations énergétiques, est-elle selon vous, susceptible de retenir l’attention du législateur ?

«L’article 44 du projet de loi met en place l’obligation d’élaborer un plan pluriannuel de travaux. Ce n’est pas la seule avancée de cet article qui modifie le fonds travaux. La création de ce fonds devra intervenir dans une période de dix ans suivant la date de réception des travaux de l’immeuble contre cinq ans dans le droit actuel.»

«Le fonds concourra à financer l’élaboration du projet de PPT et, le cas échéant, du diagnostic technique global ; la réalisation des travaux prévus dans le PPT lorsque ce dernier est adopté par l’assemblée générale des copropriétaires ; les travaux décidés en cas d’urgence par le syndic, et, enfin les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et sécurité des occupants et à la réalisation d’économie d’énergie non prévus dans le PPT.

Cette proposition a donc été reprise dans ce projet de loi. À juste titre, le gouvernement engage des sommes importantes pour les rénovations énergétiques avec des programmes ambitieux comme MaPrimeRénov’ et le Plan France Relance jusqu’à 2022. Il faut donc s’assurer que ces aides et le fonds travaux financent bien la rénovation des copropriétés.»

 

Que pensez-vous de la proposition, issue du même rapport, de proposer des prêts hypothécaires rechargeables, pour la rénovation des immeubles, aux ménages ayant remboursé partiellement leur prêt immobilier ?

«Il existe déjà des outils, notamment mis en avant par le rapport d’Olivier Sichel, pour aider les ménages à financer leur rénovation énergétique. Contrairement aux prêts hypothécaires rechargeables, je suis plutôt favorable à faire évoluer les outils existants que sont le prêt avance mutation et le prêt viager hypothécaire. À titre d’information, 62 % des propriétaires de passoires thermiques ont plus de 60 ans ; ce qui complexifie l’accès aux prêts bancaires classiques. Ces dispositifs s’adressent aux ménages les plus modestes, et permettront de répondre aux enjeux de solvabilité des seniors majoritairement propriétaires des passoires thermiques. De plus, le gouvernement et la majorité ont abondé à hauteur de deux milliards d’euros le dispositif MaPrimeRénov’, ce qui est sans précédent en matière d’aides aux particuliers. On doit poursuivre ce rythme dans les années à venir, en plus des autres aides comme les CEE [certificat d’économie d’énergie], les aides des collectivités ou encore les subventions accordées par Action logement. C’est par l’engagement de tous que nous parviendrons à atteindre les objectifs ambitieux fixés par la loi climat et résilience.»