Copropriété : Aides renforcées pour les travaux d’économie d’énergie

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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Longtemps considérées comme l’angle mort de la rénovation énergétique, les copropriétés font désormais l’objet d’aides dédiées avec des subventions en hausse pour 2024. En témoigne ma MaPrimRénov’ Copropriété et la création d’une aide pour certaines petites copropriétés. Sans oublier le levier des certificats d’économie d’énergie (CEE) dont la sixième période s’ouvrira en 2026. Du côté du financement des travaux, le recours à l’Eco-PTZ est, pour partie, déverrouillé, tandis qu’un nouveau prêt collectif est en train de se dessiner via le projet de loi sur l’habitat dégradé.

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Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 696 de mars 2024


Les aides de l’ANAH, un puissant levier

Copropriété.- Aide publique phare versée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), MaPrimRénov’ Copropriété, destinée aux travaux réalisés sur les parties communes et les parties privatives d’intérêt collectif, voit ses taux de financement sérieusement rehaussés pour 2024.

«À l’image de MaPrimRénov’ pour les particuliers, la volonté du gouvernement est désormais de promouvoir les travaux de rénovation énergétique globale», commente Tanguy Dupont, directeur du pôle habitat collectif chez Hellio. 

Qu’on en juge, si les travaux du syndicat des copropriétaires permettent un gain énergétique de 35 %, le taux de financement s’élève en 2024 à 30 % (contre 25 % auparavant), avec un plafond de 25 000 € par logement. Taux qui monte à 45 % en cas de gain énergétique de 50 %. 

«Ces nouveaux seuils sont cohérents : dans les opérations que nous accompagnons, les gains obtenus se situent actuellement entre 35 et 45 %», se félicite Tanguy Dupont. 

Les bonifications s’avèrent également plus avantageuses.

La prime pour sortie de passoire thermique se voit, ainsi, attribuer un bonus de 10 % du taux de subvention, au lieu d’un forfait de 500 € par logement en 2023, pour les copropriétés qui passeraient d’une classe F ou G, avant travaux, à une classe A à D, après travaux.

Idem s’agissant de la prime pour les copropriétés fragiles, qui permet maintenant un bonus de 20 %, contre 3 000 € par logement auparavant. 

«Attention, l’éligibilité à cette prime est conditionnée par l’engagement du syndicat des copropriétaires, de réserver l’exclusivité de la valorisation des certificats d’économie d’énergie [CEE] à l’ANAH», précise Tanguy Dupont.

Quant à la prime individuelle pour les propriétaires les plus modestes, elle reste inchangée (entre 1 500 et 3 000 euros), tandis que la bonification «bâtiment basse consommation» (atteinte des classes A et B de l’étiquette énergétique) est supprimée.

Du côté de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), toujours obligatoire pour recourir à MaPrimRénov’ Copropriété, cette prestation est dorénavant prise en charge à hauteur de 50 %, contre 30 % l’année passée.


Une nouvelle aide : MaPrimeRénov’ Petite Copro 

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Autre évolution importante, la création d’un dispositif d’aide expérimental, applicable du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026, pour les copropriétés de vingt lots ou moins, situées dans les centres-villes anciens.

«Il s’agit de permettre aux copropriétés qui ne peuvent pas atteindre un gain énergétique de 35 % de bénéficier tout de même d’une subvention publique», indique Alexandre Goncalves, directeur études et développement chez ReeZOME.

Ici, seul un gain de 15 % est exigé, avec un montant de l’aide variant entre 30 à 100 % des travaux subventionnables pour les copropriétés en difficulté.

Là encore, ce dispositif s’accompagne d’un accompagnement obligatoire par un opérateur assurant une prestation d’AMO, également subventionnable à hauteur de 50 %.

«Cette nouvelle aide est la bienvenue car les petites copropriétés sont souvent en butte à des rénovations plus difficiles en raison de la typologie de leur bâti. Sans compter que les copropriétaires ne bénéficient pas des mêmes économies d’échelle que dans les plus grandes copropriétés».

Attention, ce nouveau dispositif n’est pas cumulable avec MaPrimRénov’ Copropriété, ni avec MaPrimRénov’ Copropriétés en difficulté, reconduite en 2024.

«Moins connues que MaPrimRénov’ Copropriété, les aides territoriales peuvent aussi être intéressantes pour financer des travaux. Rien qu’en Ile-de-France, il y a la Prime éco-logis 91 copropriété, Éco-Rénovons Paris + ou encore l’Opération Habitat Qualité de Grand Paris Seine Ouest, pour ne citer qu’elles», complète Alexandre Goncalves. 

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Les CEE, un dispositif à ne pas négliger

Plus de 200 fiches d’opérations standardisées.- On rappelle que les CEE sont une aide privée encadrée par l’État permettant de financer, pour partie, des opérations de rénovation énergétique, y compris dans les copropriétés. 

«En moyenne, les certificats payent entre 5 à 10 % du montant total des travaux, soit une prise en charge oscillant entre 1 500 et 3 000 euros par copropriétaire», détaille Tanguy Dupont.  

Ce dispositif, né en 2005, s’illustre par une certaine complexité. Il oblige les énergéticiens à contribuer financièrement à la baisse de la consommation énergétique en France, selon des objectifs quantitatifs pluriannuels, répartis par périodes (la cinquième période a débuté le 1er janvier 2022). 

Pour répondre à cette obligation, ils doivent encourager leurs clients, appelés les «bénéficiaires» (particuliers, syndicats des copropriétaires…), à réaliser des opérations d’économie d’énergie.

Concrètement, les fournisseurs versent une prime aux bénéficiaires qui mènent des actions d’efficacité énergétique et, en échange, ils reçoivent une certaine quantité de certificats attestant du respect de leur obligation. A défaut, ils s’exposent à des pénalités financières.

Les différents types de travaux pouvant donner lieu à des CEE sont définis par des fiches d’opérations standardisées, pour lesquelles une valeur forfaitaire est fixée.

Début 2024, plus de 220 opérations ouvrant droit à des CEE sont référencées sur le site du ministère de la Transition écologique. Les plus mobilisées concernent le secteur résidentiel avec, en tête de file, l’isolation de combles ou de toitures ainsi que l’installation de pompes à chaleur.

 

Les coups de pouce CEE en copropriété

Depuis plusieurs années, l’État bonifie certaines aides, grâce aux «coups de pouce». Par exemple, le coup de pouce «Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif» intéresse au premier chef les copropriétés. Il permet le versement d’aides plus importantes pour des travaux de rénovation globale aboutissant à un gain énergétique d’au moins 35 %, avec une date d’engagement jusqu’au 31 décembre 2025 et une date d’achèvement d’ici le 31 décembre 2026.

Le «Coup de pouce Chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires» concerne, pour sa part, le remplacement des équipements de chauffage au fioul ou au gaz d’une copropriété par des équipements plus verts. «Il peut aussi valoriser le raccordement à un réseau de chaleur alimenté majoritairement par des énergies renouvelables», ajoute Tanguy Dupont.

Fin 2023, plusieurs textes ont modifié des opérations standardisées d’économie d’énergie, tandis que le coup de pouce «Pilotage connecté du chauffage pièce par pièce» ou la fiche «Rénovation d’ampleur d’un appartement» ont été créés. Des aides attractives pour les copropriétaires individuels. 

Par ailleurs, la concertation sur la sixième période vient d’être engagée avec une hausse importante à venir de l’obligation CEE, dès 2026. Un gisement avec lequel il faudra compter.

«Pour un syndicat de copropriétaires, il y a deux manières de procéder avec les certificats : soit c’est l’entreprise de travaux qui valorise elle-même les CEE et s’occupe de faire la demande auprès d’un obligé ou d’un délégataire. Dans ce cas, le montant de la prime CEE est indiqué dans le devis, et il sera déduit du total de la facture. Soit le syndicat accepte de valoriser lui-même les CEE, le plus souvent avec l’aide d’un AMO. Cela signifie que les copropriétaires paient la totalité des travaux, puis obtiennent a posteriori une prime venant en déduction des frais engagés. Cette solution, à privilégier, permet de mettre en concurrence plusieurs délégataires et, donc de choisir l’offre la plus intéressante», explique Alexandre Goncalves. 


Bientôt un nouvel emprunt collectif

Assouplissement de l’éco-PTZ Copropriété.- Malgré ce paysage foisonnant d’aides, elles demeurent pourtant insuffisantes pour financer l’intégralité des travaux. «Le reste à charge oscille entre 20 000 à 30 000 euros par copropriétaire», confirment Tanguy Dupont et Alexandre Goncalves.

C’est pourquoi la question du recours à l’emprunt collectif devient rapidement incontournable pour le syndicat des copropriétaires, tant d’ailleurs pour le préfinancement des aides publiques que pour le financement du reste à charge. 

Or, que ce soit l’éco-prêt à taux zéro copropriété (éco-PTZ), un prêt réglementé mis en place depuis 2015, ou les prêts de marché aux taux pas toujours attractifs, cela ne fonctionne pas très bien. 

Preuve en est, seules la Caisse d’épargne d’Île-de-France et Domofinance distribuent aujourd’hui l’éco-PTZ copropriété, un emprunt contracté au nom du syndicat, mais au bénéfice des seuls copropriétaires décidant d’y participer.

«Les banques ont peu investi ce segment de marché, du fait de la charge administrative qu’implique le montage de ce type de dossiers et de la capacité inégale des copropriétaires à apporter des garanties. Et les syndics sont, en général, réticents à se lancer seuls dans le montage de ce type de dossier : la collecte des pièces nécessaires auprès de chacun des adhérents à l’emprunt peut s’avérer complexe, chronophage et s’ajoute à la gestion courante de la copropriété», reconnaît Alexandre Goncalves. 

Pour faire bouger les lignes, la loi de finances pour 2024 fait évoluer plusieurs règles de l’éco-PTZ collectif. Tout d’abord, il est prolongé jusqu’au 31 décembre 2027. Dans le même temps, la liste des travaux éligibles se trouve étendue.

Autre novation, il est ouvert à de nouveaux acteurs que sont les sociétés de tiers financement, émanation des collectivités territoriales, qui ont déjà l’habitude d’accompagner techniquement des projets de rénovation. 

De plus, l’assemblée générale peut désormais voter la souscription d’un éco-PTZ à la même majorité que celle nécessaire au vote des travaux d’économie d’énergie (soit la majorité absolue de l’article 25, et donc potentiellement la majorité simple de l’article 24 par le biais de l’article 25-1).

La possibilité de souscrire un éco-PTZ complémentaire est, par ailleurs, généralisée.  

Vers un prêt global collectif.- Dans le prolongement de la loi de finances pour 2024, le projet de loi sur l’accélération et la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé, en cours d’examen devant le Parlement, comporte un article 2 visant à créer un prêt global collectif d’un genre nouveau.

Il s’agit de passer d’une logique de financement bancaire aux copropriétaires à un financement bancaire à la copropriété.

Pour ce faire, ce prêt reposerait sur l’adhésion de principe de l’ensemble des membres du syndicat. Les copropriétaires réfractaires devraient, quant à eux, notifier au syndic leur refus de prendre part à l’emprunt collectif, dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale ayant décidé de la souscription du prêt. 

Mais pas seulement, ils seraient tenus de verser la totalité de la quote-part du prix des travaux leur incombant, dans un délai de six mois à compter de la notification du procès‑verbal de l’assemblée générale.

Ce serait un véritable changement de logique par rapport aux prêts collectifs actuels à adhésion individuelle. 


Suréléver : une solution à la main du syndicat

Les avantages d’une surélévation 

La surélévation, plus précisément la cession du droit de surélévation à un tiers (habituellement un promoteur), fait partie des opérations «gagnant-gagnant» pour une copropriété. Car le gain retiré par cette vente du foncier aérien peut permettre au syndicat des copropriétaires de financer d’importants travaux de rénovation d’économie d’énergie.

Rien qu’à Paris, près de 9 000 immeubles pourraient être surélevés, soit l’équivalent d’environ 40 000 nouveaux logements, nous apprend une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme.

De plus, le législateur n’a eu de cesse, ces dernières années, de libérer les freins à la surélévation, en multipliant les dérogations au droit de l’urbanisme et de la construction, tout en incitant fiscalement à la cession du droit de surélévation, via un dispositif d’exonération temporaire de plus-value.

Surtout, les lois ALUR, ELAN, puis l’ordonnance du 30 octobre 2019, ont permis que l’aliénation du droit de surélévation et sa réalisation par un tiers deviennent une réalité dans les copropriétés (suppression du droit de veto des copropriétaires du dernier étage, allégement de la majorité requise pour autoriser la décision de cession…).

La contrepartie à la cession du droit de surélévation peut prendre deux formes : le versement d’une somme d’argent distribuée à l’ensemble des copropriétaires proportionnellement à leurs tantièmes ou l’obligation pour le promoteur de réaliser les travaux de rénovation sur les parties communes (Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 19-13.245).

«A Courchevel, la récente surélévation d’une copropriété de 1965 a financé en grande partie un ambitieux bouquet de travaux faisait passer l’immeuble du statut de passoire thermique à celui de bâtiment basse consommation», observe Tanguy Dupont.

Des points de vigilance

Malgré la manne financière que peut représenter la surélévation, elle n’est, toutefois, pas toujours possible d’un point de vue technique, mais aussi juridique, du fait de servitudes affectant l’immeuble.

Il importe aussi d’être attentif aux possibles désordres constructifs qu’occasionneraient les travaux de surélévation. Dit autrement, le syndicat devra vérifier, en amont du chantier, que le promoteur et les entreprises ont bien souscrit les assurances nécessaires.

Sans oublier les préjudices pouvant être subis par les copropriétaires lors des travaux et pour lesquels l’article 36 de la loi de 1965 prévoit une indemnité. En théorie, elle est à la charge de l’ensemble des copropriétaires, mais en pratique, elle sera supportée par le promoteur, à condition de le prévoir dans le contrat de cession.

«Si les bailleurs sociaux s’essaient depuis quelques années à la surélévation pour produire de nouveaux logements, les copropriétés ont encore du mal à franchir le pas, d’autant que les promoteurs ne se bousculent pas pour investir ce marché de niche. L’objectif de zéro artificialisation nette pourrait changer la donne», glisse Alexandre Goncalves.