Copropriété : Des syndics et les objectifs de politique publique

par Nomah YARVEL
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La profession est confrontée à un enjeu de transformation pour devenir partenaire incontournable des pouvoirs publics. Tout ne dépend pas d’elle.

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À la fin du mois de janvier, la déclaration de politique générale de Gabriel Attal a été l’occasion d’agacement pour l’UNIS. En effet, le Premier ministre a déclaré qu’il fallait «déverrouiller» le secteur du logement. Hors sujet pour la première organisation de professionnels de l’immobilier qui riposte : nous ne sommes pas «fermés». Celle-ci se dit «scandalisée» par ces propos, qui, selon elle, pointent «arbitrairement du doigt les syndics». Dans un communiqué de presse du 1er février, sa présidente, Danièle Dubrac, réagit avec vigueur : le jeune Premier ministre «se trompe de cible». Ce qu’il faut, c’est «simplifier la copropriété», «déverrouill[er] les conditions d’exercice du métier et reconnaître que l’accès au métier est déjà libre et concurrentiel».

La passe d’armes est l’occasion, dans cette rubrique, de revenir sur un rapport d’octobre 2023 édité par l’Institut Paris Région (IPR) et inscrit dans le cadre d’un programme de recherche plus vaste lancé en 2022 par le Plan urbanisme construction architecture (PUCA) (Ré)gé(né)rer les copropriétés : connaître et comprendre les copropriétés, les mobiliser pour la ville durable. Gilles Frémont, président de l’association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC), se «réjouit» de ce travail, y voyant «un signe de reconnaissance de la part d’une agence ministérielle dépendant de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)».

Portrait neutre et objectif

Sous l’intitulé Les mutations contemporaines des syndics de copropriété, l’étude de l’IPR rend compte des résultats intermédiaires d’une recherche sur le métier de syndic de copropriété, laquelle en brosse un panorama complet. Son chapitre 3 éclaire le développement de ce groupe professionnel et son institutionnalisation dans le temps, l’apparition récente des associations de défense des intérêts des gestionnaires de copropriété, salariés ou non, et la valorisation du métier. Les chapitres 2 et 5 traitent plus spécifiquement de l’arrivée des syndics en ligne et des outils nés de la digitalisation quand le rôle des tutelles et institutions publiques, des associations de consommateurs et de syndicats de copropriétaires font l’objet d’un chapitre 4. Le chapitre 5 aborde aussi les challenges de recrutement face aux carences du marché du travail.

Les auteurs du rapport relèvent un «rôle central [qui] identifie [les syndics de copropriété] comme partenaires clés pour atteindre les objectifs de politique publique concernant le parc de logements en copropriété». Pour Gilles Frémont, «les pouvoirs publics s’intéressent aux copropriétés et à leurs syndics car ils ont besoin de compétences en matière de rénovation énergétique et de copropriétés en difficultés».

Courroie de transmission ?

Sur le terrain, comment les gestionnaires de copropriété assument-ils ce «rôle central» et orientent-ils leur activité vers la mise en œuvre des politiques publiques de copropriété ? Pour le Syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI), «les syndics sont – même inconsciemment – des partenaires incontournables des pouvoirs publics». Ils répondent notamment aux obligations légales découlant de la loi Climat et résilience (plan pluriannuel des travaux, diagnostic de performance énergétique collectif, etc.), ou font réaliser des travaux améliorant la performance énergétique des lots privés. De son côté, Gilles Frémont évoque le «travail avec les collectivités locales sur des immeubles ciblés objet d’une réhabilitation renforcée». Il se dit «ouvert pour faire remonter aux pouvoirs publics ce qui marche ou non sur le terrain, orienter et faire évoluer la réglementation».

Gestion courante ?

S’appuyant sur plusieurs travaux de recherche mentionnant en particulier «le faible engagement des syndics sur le front de la rénovation énergétique», le rapport relève que les réponses apportées par les syndics aux attentes de la puissance publique «sont réputées insuffisantes». La sortie d’Attal en témoigne. En cause un manque de formation technique, d’une culture professionnelle de spécialistes du droit et de la gestion courante, de modèles économiques inadaptés et d’un marché très concurrentiel. Le SNPI note, quant à lui, que dépasser la gestion courante «relève d’une implication personnelle» d’un syndic dans le cadre de ses attributions et des décisions prises en assemblée générale. Le syndicat mentionne les difficultés auxquelles sont confrontés les syndics : l’ampleur des mesures à appliquer à court terme, la pédagogie nécessaire auprès des copropriétaires, le surcroît de travail occasionné, voire l’exigence de connaissances dépassant les compétences habituelles. Dans ce domaine, les petits cabinets de syndics sont cependant à distinguer des grands groupes où des gestionnaires dédiés à la rénovation par exemple soutiennent le gestionnaire de copropriété.

Reconnaissance

L’étude de l’IPR ambitionne «d’éclairer l’action publique en saisissant la manière dont les enjeux d’amélioration de la gestion et de la gouvernance des copropriétés peuvent s’articuler avec les pratiques des syndics, leurs intérêts et les représentations qu’ils ont de leur posture et de leur rôle». Elle insiste sur cet enjeu de transformation de la profession qu’est le rôle des syndics professionnels dans les politiques publiques relatives à la copropriété. Valorisant pour la profession. Mais le syndic se transformera-t-il en chef de projet complexe ? En sera-t-il rémunéré ? La lecture des 150 pages du rapport amène à la question de la reconnaissance des syndics et de leurs compétences sur la place publique. Ce qui semble nécessiter a minima : une formation obligatoire renforcée sur les thèmes de prédilection des pouvoirs publics ; une diminution du portefeuille géré pour une meilleure qualité des prestations ; une révision périodique des tâches à réaliser et des rémunérations. Les pouvoirs publics seront-ils suffisamment éclairés ?