Portrait : Éva SIMON, La copropriété comme objet de recherche

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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Polytechnicienne exigeante, éprise de sciences sociales, Éva Simon se sent bien à sa place. Officiant depuis 2020 au Plan urbanisme, construction, architecture (le PUCA), un service interministériel de recherche et d’expérimentation, elle est à l’origine d’un programme au nom prometteur : «(Ré)gé(né)rer les copropriétés». Parmi les six projets constitutifs de ce vaste chantier de recherche, celui s’attachant aux mutations contemporaines du métier de syndic vient d’être rendu public.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 694 de décembre 2023

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Un matin, à mi-hauteur de la paroi Sud de la Grande-Arche de la Défense, on retrouve Éva Simon, silhouette menue, regard concentré, disponibilité totale, pour évoquer sa marotte, l’évaluation des politiques du logement, au premier rang desquelles celles relatives à la copropriété.

En témoigne sa thèse consacrée à l’action publique locale sur les copropriétés dégradées dans les agglomérations de Lyon, Marseille et Grenoble.

Mais d’où vient, selon son propre aveu, «cette obsession pour les politiques du logement» ? Elle se révèle lors de ses études à l’École polytechnique, et plus précisément à la faveur d’un stage de six mois au centre de promotion familiale d’ATD Quart-Monde à Noisy-le-Grand (93). «Une structure associative qui œuvre, sur le long terme, à l’insertion sociale et à l’accès au logement pérenne de familles en situation de grande précarité», précise-t-elle.

Après cette expérience fondatrice et l’étude des favelas au Brésil, cette ingénieur X-Pont trace sa voie en toute liberté. Auréolée de sa thèse en science politique, elle intègre en 2017 la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), une émanation du ministère de la Transition écologique, en tant que cheffe du bureau des études économiques sur le logement.  

Là, elle initie tambour battant une carte des loyers. «Jusqu’alors aucun indicateur des loyers ne couvrait l’ensemble du territoire national avec une méthodologie de calcul transparente et fiable», souligne cette scientifique. 

Toutefois, son pain quotidien, c’est-à-dire l’élaboration de bases de données, la définition des zonages sur lesquels s’appuient diverses mesures publiques en faveur du logement ou encore le déploiement d’outils pour mesurer la multiplication des meublés de tourisme, ne nourrissent pas pleinement ce docteur en science politique. 

Dès lors, la trentenaire met le cap sur le PUCA. Fidèle à son esprit défricheur, elle lance en 2021 un ambitieux programme de recherche s’intitulant «(Ré)gé(né)rer les copropriétés», appelé à se déployer sur cinq années. 

«Longtemps restées inexplorées, mais unanimement reconnues comme complexes, il est apparu nécessaire que les copropriétés fassent, enfin, l’objet de travaux de recherche en sciences sociales, d’autant qu’elles représentent un tiers des logements français», explique-t-elle. 

Un jury, composé d’un conseil scientifique universitaire, mais aussi de l’ensemble des acteurs de la copropriété (Agence nationale de l’habitat, Association nationale des gestionnaires de copropriété, FNAIM, Matera, Procivis…) s’est attelé à sélectionner six projets, allant du métier de syndic professionnel au syndic bénévole, en passant par la chaîne de la fabrique d’une copropriété, jusqu’à ses enjeux d’organisation collective et du vivre-ensemble, pour ne citer qu’eux. «Et fait notable, chercheurs et acteurs étaient à l’unisson sur le choix des projets de recherche, dans toute leur diversité», relève cette haut fonctionnaire. 

Fin octobre 2023, le premier projet de recherche sur les mutations contemporaines du métier de syndic vient de livrer ses conclusions intermédiaires. Il en ressort, à titre principal, une organisation collective mouvante de la profession, un vent de financiarisation ainsi que la concentration dans de grands groupes, outre le difficile virage numérique des syndics, entre concurrence des acteurs de la Proptech et digitalisation des outils. 

On a hâte de connaître la suite, et de voir comment les décideurs publics pourraient s’emparer de ces travaux pour tisser des politiques adaptées aux spécificités des immeubles collectifs, qu’il s’agisse de rénovation, d’amélioration énergétique ou de copropriétés dégradées.