Portrait : Véronique BACOT-RÉAUME, L'obsession de la vérité

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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©DRIl est rare de faire rimer expert judiciaire et humour en bandoulière. Pourtant, Véronique Bacot-Réaume excelle dans ce doublé insolite. Alors qu’elle passe le cap des 35 ans de carrière dans l’immobilier, cette professionnelle à l’expérience et à la technicité reconnues n’a aucune intention de se reposer sur ses lauriers. Résolument, elle avance sur un fil tendu pour s’approcher au plus près de la vérité technique dans les dossiers judiciaires qui lui sont confiés par les magistrats.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 693 de novembre 2023

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D’emblée, on est saisi par son électrisante énergie et ses éclats de rire qui ponctuent régulièrement ses phrases. Mais pas seulement, son souci de la rigueur s’invite également vite dans la conversation. 

Elle explique : «l’expertise judiciaire n’est pas une profession à part entière. C’est, en réalité, une fonction, à la fois convoitée et décriée par certains, qui s’exerce généralement dans le prolongement d’une activité principale». La sienne ? Administrateur de biens, agent immobilier, mais aussi formatrice, avant qu’elle ne se consacre exclusivement à l’expertise amiable et judiciaire, sans oublier la médiation.

«Je porte une double casquette : expert judiciaire près la cour d’appel de Versailles dans la spécialité Estimations immobilières en valeurs vénales ou locatives, indemnité d’éviction, administration de biens, et inscrite sur la liste de la Cour de cassation dans la spécialité copropriété», précise celle qui contribue à l’œuvre de justice en légitimant les décisions rendues par les juges grâce à des avis techniques.

Sa modestie l’empêche de souligner qu’elle est aujourd’hui la seule experte agréée par la Cour de cassation en matière de copropriété.

Mais quel est l’ancrage fondateur de ce docteur en droit immobilier, titulaire, en prime, d’un diplôme d’études supérieures en aménagement du territoire ? Peut-être une mère bibliothécaire au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM-ICH) qui a éveillé son appétit pour le droit, l’analyse, et l’enquête.

Bien que les expertises judiciaires la confrontent, plus souvent qu’à son tour, à «des dossiers tordus», selon ses propres mots, cette spécialiste de la surélévation ainsi que de la scission de copropriété ne rechigne pas à accepter des missions marquées du sceau de la complexité. 

«J’ai été marquée par un récent dossier où j’ai été désignée par le juge pour évaluer l’état financier d’un immeuble francilien de grande hauteur, sous plan de sauvegarde, avec deux millions d’impayés de charges et un arrêté de péril imposant l’évacuation des quelque 200 résidents du bâtiment. Mon rapport d’expertise a conclu à l’état de carence du syndicat des copropriétaires, soit un préalable à la phase d’expropriation des parties privatives. Une décision lourde à prendre humainement», confesse-t-elle avec une réelle émotion.

La prise de risque n’est pas non plus étrangère à son activité de sachant. La preuve, dans le cadre d’une expertise sur des charges, elle a dû contrôler de nuit le bon fonctionnement de sous-compteurs dans les sous-sols d’un ensemble immobilier d’une banlieue sensible des Yvelines, accompagnée d’un fixeur. «On ne s’ennuie jamais», rit-elle.

Son actuel cheval de bataille : travailler collectivement avec des confrères, notamment au sein de la Compagnie nationale des experts de justice immobilier (CNEJI) sur les modalités de calcul des indemnités préalables dues au propriétaire voisin en cas de mobilisation du droit de surplomb de l’article L. 113-5-1 du Code de la construction et de l’habitation créé par la loi Climat. 

Et de glisser joyeusement : «Pour l’instant, les discussions sont animées pour tenter de parvenir à préconiser une méthodologie qui recevrait l’aval de tous ! ».

Également diplômée en médiation, Véronique Bacot-Réaume plaide pour une justice apaisée à laquelle pourrait contribuer l’expert. «Pourquoi ce professionnel ne serait pas en capacité de concilier les parties, avant ou après le dépôt de son rapport ?», s’interroge la triathlète.

Trente-cinq ans après avoir plongé dans l’immobilier, le feu brûle donc encore pour cette technicienne érudite, intrépide et attentive aux autres.