Portrait : Isabelle REY-LEFEBVRE, le collectif d'abord

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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Journaliste de renom engagée pour la cause du logement, fondatrice de l’Association des responsables de la copropriété, montreuilloise en Seine-Saint-Denis.

Isabelle Rey-Lefebvre est la somme de tout cela.

Anatomie d’une âme fougueuse de 68 ans, résolument branchée sur son époque.

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C’est une femme alerte, au regard bleu vif, que l’on voit s’attabler dans un café du 9e arrondissement parisien niché au cœur d’un des passages couverts les plus fréquentés de la capitale. 

Spontanément volubile, prête, expresso en main, à échanger sur une carrière marquée par une mobilisation constante en faveur du logement.

Or d’Isabelle Rey-Lefebvre, on connaît surtout ses articles dans les pages économiques du Monde où elle a œuvré de 2000 à 2022. Ses champs d’investigation : l’immobilier sous toutes ses facettes. «Sans oublier les sujets de pauvreté et d’exclusion», précise-t-elle. 

De sa plume précise, parfois tranchante, elle a enquêté sur de nombreux sujets, allant de la débâcle du marché immobilier en 2009, en passant par l’aléatoire efficacité de la garantie financière des syndics, jusqu’aux recours mafieux contre les permis de construire.  

Mais cette toute jeune retraitée, passionnée par le travail de terrain et le contact humain, n’a pas fait que rendre compte de l’actualité. Cette artisane du verbe a, en effet, eu plusieurs vies en résonance les unes avec les autres. 

Sourire en coin, elle confie : «ma vraie école de journalisme, ce sont mes engagements associatifs». 

Avant de faire bon usage de sa carte de presse, Isabelle Rey-Lefebvre a fait ses classes dans les années 80 auprès de l’Union régionale des organisations de consommateurs, puis de l’association CLCV (Consommation Logement Cadre de vie), avec déjà le prisme du logement en bandoulière.  A ce titre, elle a été membre de la Commission départementale de conciliation des baux d’habitation de Paris pour aider bailleurs et locataires à trouver des solutions amiables à leurs litiges. 

«Le droit de la consommation était balbutiant à cette époque, et j’ai eu la chance de pouvoir plaider, par exemple, pour le renforcement de la protection des locataires via l’obligation pour les preneurs de souscrire une assurance des logements que l’on retrouve dans la loi Quilliot de 1982», se souvient-elle fièrement. 

Autre expérience fondatrice, en parallèle de ses activités de journaliste, la création en 1987 de l’Association des responsables de copropriété (ARC) qu’elle a porté sur les fonts baptismaux, aux côtés de Bruno Dhont et Jean-Yves Mano (actuel président de la CLCV).

Celle qui a présidé l’ARC de 1987 à 1997 insiste sur le mot «responsables» qui donne le la de cette association dont le mantra est, certes, de défendre les intérêts des syndicats des copropriétaires, mais aussi de faire en sorte que ce collectif puisse s’approprier la bonne gestion des immeubles. «Se prendre en main», résume-t-elle.

Cette association indépendante, connue pour ses prises de position tranchées a, d’ailleurs, contribué à plusieurs avancées concrètes. Et Isabelle Rey-Lefebvre de citer : «l’obligation d’ouvrir un compte bancaire séparé pour chaque copropriété ou encore la création d’un privilège immobilier du syndicat lui permettant d’être payé prioritairement sur le prix de vente [aujourd’hui appelé hypothèque légale du syndicat, ndlr] ».

Une chose est sûre : celle qui a vu passer douze ministres du logement quand elle officiait au Monde, n’est toujours pas lassée de l’immobilier ! La preuve, elle vient de terminer un ouvrage intitulé Libérer le logement de la spéculation, où elle explore des systèmes d’habitat coopératifs dans sept pays européens, la Suisse ou la Belgique, pour ne citer qu’eux.

Et quand on la questionne sur les récentes réformes touchant la copropriété, sa fibre militante ressurgit pour pointer du doigt les ratés de la politique de rénovation énergétique en la matière, qu’il s’agisse des errances du financement ou du diagnostic de performance énergétique, ou encore de la compétence discutable de certaines entreprises... Le sujet d’un prochain livre ?