[N° 567] - Rapport ministériel : les contrats de performance énergétique (CPE)

par Edilaix
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Extraits du rapport de Maître Ortéga relatifs aux immeubles gérés en copropriété

 

Chargé en juillet 2010, par le ministre Borloo de dresser l’inventaire des freins à la mise en œuvre des contrats de performance énergétique et d’émettre des recommandations, Olivier Ortéga, avocat associé au cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, a remis ce 11 mars, son rapport à Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
L’auteur dresse notamment une typologie des contrats de performance énergétique (CPE), examine les freins juridiques, économiques et techniques à la passation des CPE et présente 16 recommandations.
Nous publions ici les extraits ayant trait à l’aspect juridique de la copropriété.

 

Etat des lieux

(…)

L’environnement réglementaire des copropriétés

DPE et audits énergétiques. La loi Grenelle 2, codifiée aux articles L134-1 et L134-4-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit que devra être réalisé dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2012, dans les copropriétés dotées d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement :

• un diagnostic de performance énergétique pour les copropriétés de moins de cinquante lots ;

• un audit énergétique pour les copropriétés de cinquante lots et plus, à usage d’habitation dont le dépôt de permis de construire est antérieur au 1er juin 2001.

La loi impose également au syndic de soumettre au vote de l’assemblée générale qui suit l’établissement de ces études, la «question» d’un contrat de performance énergétique ou d’un plan de travaux. Cette obligation suppose toutefois que le syndic, en accord avec le conseil syndical, s’approprie le dossier énergétique et que la résolution soit présentée aux copropriétaires dans des conditions la rendant à la fois compréhensible et porteuse d’une authentique réflexion :
«Pour tout immeuble équipé d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, le syndic inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires qui suit l’établissement d’un diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L.134-1 du code de la construction et de l’habitation ou d’un audit énergétique prévu à l’article L.134-4-1 du même code la question d’un plan de travaux d’économies d’énergie ou d’un contrat de performance énergétique.
Avant de soumettre au vote de l’assemblée générale un projet de conclusion d’un tel contrat, le syndic procède à une mise en concurrence de plusieurs prestataires et recueille l’avis du conseil syndical.
Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article».

La rédaction du texte est assez ambiguë dès lors qu’elle est comprise par une partie des acteurs comme devant provoquer le vote des copropriétaires sur le principe d’un contrat de performance énergétique alors que, pour d’autres, elle signifie le vote sur un contrat ayant fait l’objet de la consultation prévue à l’alinéa 3 susvisé.

Gouvernance. Par ailleurs, la loi rend désormais possible de voter des travaux sur  des parties privatives dès lors qu’ils sont d’intérêt collectif - notion qui reste à définir par décret -, à la charge des propriétaires concernés, sauf si des travaux équivalents ont été réalisés dans les dix années précédentes. Ces travaux pourront être décidés à la majorité absolue de l’article 25, voire à défaut à celle de l’article 25-1, par dérogation au droit commun de la copropriété.
L’ensemble de ce dispositif se heurte à des difficultés spécifiques à la copropriété.
De manière générale, il est difficile de susciter chez les propriétaires en général, dont les copropriétaires, la décision d’entreprendre une rénovation énergétique, notamment lorsqu’il s’agit de travaux lourds qui n’ont pas vocation à s’autofinancer à moyen terme et qui laissent donc une part de financement à la charge des copropriétaires.
Cette difficulté est d’autant plus aiguë pour les copropriétaires bailleurs, par opposition aux copropriétaires occupants, pour lesquels les contrats de performance énergétique et la baisse des charges n’impactent pas directement leur pouvoir d’achat. Elle pose également problème pour les copropriétaires occupants retraités ou ceux ayant une stratégie de revente rapide qui ne sont pas intéressés par une démarche à long terme.
Si la raison d’être de ces règles de majorité n’est pas en question, leurs effets peuvent freiner un certain nombre de situations.

Eco-prêt. On retrouve des difficultés comparables s’agissant de l’utilisation de l’éco-prêt à taux zéro. En effet, dans une copropriété, chaque copropriétaire doit déposer individuellement une demande d’éco-prêt à taux zéro, ce qui peut constituer un obstacle du fait d’une complexité relative du dossier.
L’absence d’éco-prêt à taux zéro collectif, qui peut s’expliquer par le respect des choix individuels de chacun des copropriétaires, peut cependant être palliée par la possibilité de rendre le syndic mandataire des copropriétaires qui souhaitent recourir à ce mode de financement gratuit.

Copropriétés de moins de cinquante lots. En deçà de cinquante lots, la loi Grenelle 2 n’impose la réalisation que d’un simple diagnostic de performance énergétique dont la partie préconisations sera sans doute limitée par le décret attendu, sauf si ce décret se distingue radicalement du DPE appliqué au local individuel, se rapprochant ainsi d’un audit énergétique. Il sera vraisemblablement difficile aux propriétaires de voter le principe de travaux sur la base de cet outil. La réalisation d’un audit opérationnel aurait un coût supérieur mais fournirait aux copropriétaires des orientations précises et une connaissance leurs permettant de faire jouer pleinement la concurrence.


Recommandations

(…)


Proposition n°3

Fixer une définition du contrat de performance énergétique par décret
A l’occasion de l’un des décrets d’application de la loi Grenelle 2, nous recommandons de fixer une définition du contrat de performance énergétique (…) :
«Constitue un contrat de performance énergétique tout contrat conclu entre le maître d’ouvrage d’un bâtiment et une société de services d’efficacité énergétiques visant à garantir au cocontractant une diminution des consommations énergétiques d’un bâtiment ou d’un parc de bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux, des fournitures ou des services». (…)

Proposition n°8

Faire bénéficier les investissements réalisés dans le cadre d’un contrat de performance énergétique du taux réduit de TVA. (…)

Proposition n°9

Déplafonner la limite de durée et indexer le montant de la contribution du locataire aux économies réalisées, résultant de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Loi “ENL“. Le droit des baux d’habitation ne permet pas au bailleur de récupérer les coûts du service d’économie d’énergie dès lors que la liste des charges locatives est définie de façon exhaustive et limitative par le décret n°87-713 du 26 août 1987 pris en application de l’article 18 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière et fixant la liste des charges récupérables.
Une adaptation de ce décret pourrait être envisagée, notamment au regard de l’article 88 de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement qui a modifié l’article L.442-3 du code de la construction et de l’habitation qui prévoit :
(…) «II.- Lorsque des travaux d’économie d’énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d’un logement ou dans les parties communes de l’immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge peut être demandée au locataire du logement loué, à partir de la date d’achèvement des travaux, sous réserve que ces derniers lui bénéficient directement et qu’ils lui soient justifiés. Elle ne peut toutefois être exigible qu’à la condition qu’un ensemble de travaux ait été réalisé ou que le logement atteigne un niveau minimal de performance énergétique.
Cette participation, limitée au maximum à quinze ans, est inscrite sur l’avis d’échéance et portée sur la quittance remise au locataire. Son montant, fixe et non révisable, ne peut être supérieur à la moitié du montant de l’économie d’énergie estimée.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, précise les conditions d’application du présent II, notamment la liste des travaux éligibles à réaliser et les niveaux minimaux de performance énergétique à atteindre, ainsi que les modalités d’évaluation des économies d’énergie, de calcul du montant de la participation demandée au locataire du logement et de contrôle de ces évaluations après travaux».

Loi “MOLLE“. La contribution des locataires aux investissements d’économie d’énergie est susceptible d’entrer dans le champ des dispositions de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion dite loi “MOLLE“. Pour beaucoup d’acteurs, ces dispositions ne s’inscrivent pas dans une clarté suffisante au regard des termes de la loi ENL précédemment citée.
Les conditions légales du dispositif susvisé pourraient être élargies en vue de faciliter la passation de contrats de performance énergétique :

• en autorisant l’utilisation du mécanisme de la troisième ligne dans le cadre d’un contrat de performance énergétique mettant en œuvre un paiement différé des investissements à la société de services d’efficacité énergétique

• en permettant l’application de la troisième ligne sans limite dans le temps, pour tenir compte du temps de retour réel des investissements financés par le bailleur ;

• en indexant le montant de la contribution du locataire sur le montant des économies effectivement réalisées.

Proposition n°12

Préciser l’étendue du vote des copropriétaires et le contenu de l’audit énergétique prévus à l’article 24-4 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée.
Le dispositif de l’article 24-4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, modifiée par la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement doit faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. Ce décret devrait préciser que le vote sur la «question» d’un plan de travaux ou d’un contrat de performance énergétique est bien un vote sur un projet de contrat établi en application de l’alinéa 2 dudit article 24-4 et non le vote sur le «principe» d’un contrat de performance énergétique.
Une telle clarification est, au demeurant, appelée de ses vœux par la doctrine juridique.
En outre, ce décret pourrait utilement préciser que les audits énergétiques prévus par cette disposition comportent nécessairement des scénarios d’amélioration de la performance énergétique, de telle sorte que ces scénarios puissent faire l’objet de la mise en concurrence prévue à l’alinéa 2 et offrir aux copropriétaires un véritable choix.

Rapport à télécharger :

www.ladocumentationfrancaise.fr
mars 2011, 126 pages.