[N°641] - Entretiens croisés avec la directrice générale et le chef de projet “copropriétés” de l’ANAH

par YS
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L’action de l’ANAH en faveur des copropriétés dégradées

À la suite de l’avis de l’Autorité de la concurrence (n° 18-A-02, du 28 février 2018, www.autoritedelaconcurrence.fr) qui ne reconnaît pas aux géomètres-experts le monopole de réaliser les états descriptifs de division, la rédaction a décidé d’interroger Jean-François Dalbin, président du Conseil de l’Ordre et Agnès Lebatteux, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit immobilier.
Pour rappel, c’est la Chambre nationale syndicale des géomètres-topographes (CNSGT) qui est à l’origine de la saisine de l’Autorité de la concurrence. Le CNSGT l’interrogeait sur le point de savoir si «l’inclusion éventuelle des plans annexés aux états descriptifs de division de copropriété entrait dans le champ du monopole des géomètres-experts».


Valérie Mancret-Taylor est la directrice générale de l’ANAH depuis janvier 2018. Architecte urbaniste en chef de l’État, elle a officié précédemment en qualité de directrice adjointe de l’Urbanisme à la Ville de Paris.

Comment se répartissent les sommes allouées par l’ANAH ?
En 2017, 80 720 ménages ont pu rénover leur logement grâce aux aides de l’ANAH, pour un montant total de 650 millions d’euros :
- au titre de la lutte contre la précarité énergétique, près de 53 000 logements ont été bénéficiaires des aides du programme Habiter Mieux (près de 420 millions) ;
- la lutte contre l’habitat indigne et très dégradé a concerné 11 290 logements rénovés soit 117 millions d’euros d’aides ;
- le redressement des copropriétés en difficulté a permis la rénovation de 15 487 logements avec plus de 56 millions d’euros d’aides ;
- 18 185 logements ont été adaptés à la perte d’autonomie, pour un montant de près de 61 millions d’euros de subventions ;
- dans  le cadre du développement du parc privé à loyers maitrisés, plus de 4 000 logements ont fait l’objet d’une convention avec des travaux à hauteur de 73,5 millions d’euros ;
Enfin, l’ANAH accompagne l’ingénierie des collectivités territoriales par le financement des chefs de projet (programme action cœur de ville par exemple) et animation des OPAH (opérations programmées d’amélioration de l’habitat).

Comment l’ANAH intervient-elle en faveur des copropriétés ?
Le redressement des copropriétés fait partie des missions historiques de l’ANAH. Dès les années 1980, les copropriétés les plus fragiles - encore peu nombreuses- commencent à basculer dans des situations difficiles. S’impose alors la nécessité d’une intervention publique pour les redresser. Les premiers outils et procédures portés par l’Etat et les collectivités locales émergent. Depuis 1994, les pouvoirs publics ont bâti des dispositifs règlementaires et des outils techniques pour prévenir les difficultés ou guérir ces copropriétés fragiles et/ou dégradées avec, notamment, la création de l’Opération programmée d’amélioration de l’habitat (Opah)-copropriétés puis des plans de sauvegarde pour les cas les plus difficiles. Depuis, la palette des outils et des procédures publiques n’a cessé d’être enrichie et de se renforcer jusqu’à la loi ALUR de mars 2014.
Aujourd’hui, l’Agence déploie plusieurs outils : des outils d’observation du parc. Ils sont très importants. Le registre d’immatriculation ouvert aux services de l’Etat et des collectivités permet de vérifier la santé des copropriétés pour pouvoir intervenir et éviter leur basculement dans la dégradation le plus en amont possible. La veille et observation des copropriétés (VOC) permet d’aider les collectivités à connaître plus précisément celles qui sont fragiles et en difficulté afin de définir et de prioriser les actions à entreprendre. La VOC tient compte des données du registre, mais également de données sociales et urbaines indiquant les facteurs de fragilités endogènes et exogènes de la copropriété.
L’ANAH déploie également des actions de prévention. Le programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (POPAC) permet, par sa flexibilité, de pouvoir répondre à toutes les problématiques. Conçu pour agir très tôt sur les premières difficultés, avant même que le bâti ne se dégrade, il assure le suivi et la gestion du projet en tenant compte du contexte urbain et social des copropriétés. Toutes les actions préventives mises en œuvre se font en lien avec les copropriétaires qui restent maitres du jeu et votent les décisions en assemblée générale. La lutte contre les passoires thermiques est le deuxième axe de la prévention déployée par l’ANAH. C’est tout l’objet de l’aide collective Habiter Mieux conçue pour les copropriétés fragiles. Elle est accordée au syndicat de copropriétaires ; tous les copropriétaires occupants ou bailleurs en bénéficient, en fonction de leur quote-part, sans conditions de ressources des occupants du logement. Cette aide permet de passer un cap nécessaire à l’engagement de travaux souvent coûteux.
Par ailleurs, l’ANAH propose des outils spécifiques pour le traitement des copropriétés en difficulté. Ce sont des outils qui ont fait leur preuve pratique depuis près de 25 ans : les Opah-copropriétés dégradées et les plans de sauvegarde durent de 3 à 5 ans, et même plus longtemps si nécessaire. L’ANAH accorde des aides aux travaux mais aussi un accompagnement dédié avec un opérateur spécialisé. Les acteurs de la copropriété bénéficient ainsi d’une véritable assistance à maîtrise d’ouvrage de nature technique, sociale en assumant le suivi, la gestion, la renégociation des contrats des grands fournisseurs de fluides (gaz, eau, chauffage urbain…). Il s’agit d’un travail en profondeur portant sur l’ensemble de la copropriété afin de permettre son redressement et le rétablissement de son autonomie.

Comment l’ANAH est-elle associée au plan de mobilisation annoncé par le gouvernement ?
Nous sommes  pleinement impliqués dans la mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers annoncée le 18 juillet dernier par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires et Julien Denormandie, secrétaire d’Etat. Il s’agit de renforcer les outils de redressement des copropriétés dégradées pour mieux répondre aux problématiques soulevées par le constat de terrain établi par les préfets de région. Le ministre de la Cohésion des territoires a confié à l’ANAH le pilotage opérationnel de l’élaboration d’une nouvelle stratégie, de sa mise en œuvre et de son suivi. La conception de cette stratégie d’intervention s’est faite en concertation avec tous les acteurs déjà engagés dans cette problématique : l’ANRU, le réseau des Etablissements Publics Fonciers (EPF) notamment l’EPF IDF -pilote des ORCOD-IN de Clichy-sous-Bois, Grigny et bientôt Mantes la Jolie, l’USH, la Caisse des dépôts-Banque des Territoires, Action logement.
Ce travail a permis de concevoir l’élaboration d’un nouveau mode d’intervention intitulé «Initiative copropriétés». Il s’agit en effet de reprendre l’initiative avec les collectivités et les habitants des copropriétés : des dispositifs seront proposés à la carte ; chaque collectivité pourra les utiliser en fonction des difficultés propres à la copropriété ou aux copropriétés en difficulté de son territoire. Chaque copropriété a une histoire et des besoins différents. Elle doit pouvoir bénéficier d’aides publiques tout en restant maitre de son destin.

© DR


Sébastien Wagner est chef de projet “Copropriété” depuis 2015. Il était auparavant gestionnaire de copropriété spécialisé “OPAH Copropriété Dégradée” chez l’administrateur Oralia.

L’ANAH est le teneur du registre national des copropriétés. Quel premier bilan peut-on dresser en la matière ?
Le bilan est positif. Plus de 210 000 copropriétés sont d’ores et déjà immatriculées à ce jour. Les syndics professionnels comme les syndics bénévoles ont pleinement joué le jeu. Les copropriétés de plus de 200 lots ont toutes été immatriculées fin 2016 ; quasiment toutes celles de plus de 50 lots ont été immatriculées fin 2017. Il reste les petites copropriétés qui représentent tout de même la grande majorité du parc. Toutes les copropriétés, quelle que soit leur taille, doivent être immatriculées au 31 décembre 2018. On a confiance dans le travail effectué par les syndics professionnels pour immatriculer les copropriétés dont ils ont le mandat. Le plus difficile est d’immatriculer les copropriétés non gérées, mais les professionnels de l’immobilier sont en train de les sensibiliser. N’oublions pas que l’immatriculation au registre conditionne désormais l’octroi de toute aide publique et que l’absence d’immatriculation d’une copropriété peut bloquer le processus de vente des logements. Tout converge vers une montée en puissance de ce dispositif utile à tous, car mieux connaître le parc permet de ne pas passer à côté des copropriétés en très grande difficulté devenues inhabitables et/ou rongées par le fléau des marchands de sommeil ; pour les collectivités, les données recueillies permettent d’intégrer les spécificités des copropriétés dans les opérations programmées prévues sur leur territoire.

Quel rôle joue l’ANAH dans le redressement des copropriétés ?
L’ANAH est le seul opérateur de l’Etat intervenant dans le redressement des copropriétés en difficulté. Elle accompagne les collectivités locales dans des programmes de redressement, leur propose une palette d’outils à destination du syndicat des copropriétaires. L’Agence accorde des aides aux travaux, des expertises complémentaires, une aide à la gestion…

Quelles sont les démarches à accomplir permettant d’obtenir des subventions de l’ANAH ?
Tout dépend du type de copropriété. Les copropriétés saines répondent au droit commun de l’ANAH : des aides individuelles pour la réalisation de travaux sont proposées aux propriétaires modestes ou très modestes et aux propriétaires bailleurs qui, en contrepartie, doivent conventionner le loyer.
Les copropriétés fragiles peuvent bénéficier de l’aide “Habiter Mieux copropriété” réservée aux travaux de rénovation énergétique. Pour cette aide, les copropriétés doivent être confrontées à une situation d’impayé de 8 à 15 % pour les copropriétés de plus de 200 lots (8 à 25 % pour les copropriétés de moins de 200 lots) et avoir une étiquette énergétique comprise entre D et G. L’aide est également accessible aux copropriétés situées dans les quartiers en NPNRU. L’aide “Habiter Mieux copropriété” est accordée au syndicat des copropriétaires et peut s’élever à 5 250 € par logement.
Les copropriétés en difficulté peuvent, quant à elles, entrer dans des dispositifs plus complets comme les plans de sauvegarde (PLS) et les OPAH-copropriétés dégradées (OPAH-CD). Dans ce cas, c’est la collectivité qui est porteuse de l’opération et qui contractualise avec l’ANAH.
Si les copropriétés sont fragiles ou relèvent du droit commun, et qu’elles veulent entreprendre des travaux de rénovation énergétique, les particuliers peuvent contacter le 0 808 800 700, qui leur indiquera le point d’information le plus proche de chez eux. Si la copropriété relève d’un PLS ou d’une OPAH-CD, la collectivité informe ses administrés de l’opération et missionne un opérateur dédié pour réaliser l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO).
Avoir une AMO permet d’obtenir une ingénierie financière complète couvrant toutes les aides disponibles. Les copropriétaires bénéficient alors de l’information la plus précise avant de voter ou non, les travaux en assemblée générale. Point de vigilance : les travaux ne doivent pas avoir commencés avant de faire la demande d’aides auprès de l’ANAH !

Est-ce que l’ANAH exerce un contrôle sur l’emploi des sommes octroyées aux copropriétés ?
Oui, le contrôle est fait par les délégations locales. Elles vérifient les travaux réalisés. L’Agence dispose également d’un service dédié au contrôle.

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Les aides de l’ANAH

L’aide aux travaux.- Elle est versée au syndicat des copropriétaires et couvre 35 à 50 % HT du chantier. 150 000 € HT d’aides aux travaux peuvent être accordés dans le cadre d’une OPAH-Copropriété Dégradée, plus 15 000 € par lot d’habitation. L’aide est déplafonnée dans le cadre d’un plan de sauvegarde. La prime “Habiter Mieux” est accordée pour les travaux de rénovation énergétique (forfait de 1 500 € par lot d’habitation).

Les expertises complémentaires.- Elles ont pour objet de réaliser des audits techniques (diagnostic énergétique, ou toute autre étude spécifique), des audits de gestion et de comptabilité, lorsque le syndic reprend une copropriété et doit remettre les comptes à jour.

L’aide à la gestion.- Elle s’élève à 150 € HT par lot et par an. Elle s’adresse aux représentants légaux des copropriétés et leur permet d’être soutenu dans leur suivi (traitement des impayés, négociation dettes fournisseurs, tenue d’assemblée générales supplémentaires…)

En savoir plus


Les sources de financement de l’ANAH
Le financement de l’Agence est assuré principalement par les recettes de la cession des quotas carbone. L’ANAH perçoit également une subvention du ministère de la Cohésion des territoires. D’autres ressources viennent en complément : le produit de la revente des certificats d’économie d’énergie, l’affectation d’une quote-part de la taxe sur les  logements vacants…