[N° 595] - J.-F. Buet : «La loi Alur imposera que nos salariés soient plus compétents, plus formés»

par Edilaix
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Le président de la fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), première organisation syndicale des professionnels de l’immobilier en France, représentative de 12 000 entreprises, réagit notamment aux dispositions de la loi Alur.

Jean-François Buet©DR Fnaim

 

L’Assemblée nationale vient d’adopter en deuxième lecture les modalités de la GUL dans une forme édulcorée par rapport au projet initial. Qu’en pensez-vous ?
La garantie universelle des loyers, une des principales mesures du projet de loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové) soutenu par Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du logement, a effectivement évolué en seconde lecture du texte par l’Assemblée nationale.
L’avancée majeure est qu’elle ne sera plus universelle, c’est-à-dire qu’elle ne sera plus obligatoire dans la mesure où les propriétaires pourront lui préférer le cautionnement d’un parent proche ou un système assurantiel privé. C’est essentiel. Je le défends depuis le début de l’ouverture des débats car le droit de propriété, c’est aussi celui de choisir de s’assurer ou pas, et, par principe, lorsqu’un régime d’assurance est rendu obligatoire, la connaissance du risque assuré engendre toujours des abus et un risque de déresponsabilisation.
Pour autant, dans sa nouvelle rédaction, la GUL, qui prend la forme d’une «aide» n’est pas parfaite :
- on ne lève pas ce risque de déresponsabilisation car les locataires seront informés par l’agence de la garantie universelle des loyers du choix de leurs bailleurs ;
- elle couvrira les locataires jusqu’à un taux d’effort de 50 % : ce rapport entre le loyer et les revenus du locataire est considéré comme insupportable lorsqu’il excède 40 % des revenus. Porter ce taux d’effort à 50 % est irresponsable et dangereux pour la santé financière du dispositif. Nous avons un précédent avec la GRL qui est un véritable échec ;
- elle couvrira les loyers et les charges locatives impayés à l’exclusion des dégradations locatives. Cette exclusion est une entrave au développement du dispositif car les propriétaires ne disposeront que du dépôt de garantie, limité à un mois de loyer hors charges, pour remettre leurs logements en état. Pour y parer, j’ai proposé au ministre une assurance «tous risques» pour le locataire en remplacement du dépôt de garantie pour couvrir ses dégradations locatives mais aussi les aléas de la vie, assorti d’un mécanisme de bonus/malus pour récompenser les locataires qui ne mettent pas en œuvre cette assurance. Cette solution présente un double avantage : éviter au locataire de débourser la trésorerie nécessaire à la constitution du dépôt de garantie et rassurer le propriétaire sur le risque d’endommagement du logement loué.
D’autre part, pour l’heure, de nombreuses précisions sur le fonctionnement de la GUL sont encore renvoyées à des décrets à paraître : le montant de l’aide sera plafonné ; le montant représentatif des charges locatives sera plafonné ; une franchise sera édictée… Cela entretient encore un flou sur l’économie générale de ce dispositif. 

Le texte en discussion actuellement parait confirmer une augmentation sensible des tâches dévolues aux syndics. Selon vous, doit-on s’attendre à une augmentation inéluctable des honoraires de ces professionnels ?
C’est une évidence ! Connaissez-vous une profession, règlementée qui plus est, qui soit tenue par le pouvoir législatif de fournir plus de prestations sans contrepartie financière ?
Chaque cabinet adoptera la politique tarifaire qui lui conviendra pour faire face à l’accroissement des risques de mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle et à l’augmentation de la charge de travail que représentera l’accroissement des tâches dévolues aux syndics professionnels. A ce titre, la loi Alur imposera que nos salariés soient plus compétents, plus formés, et nous devrons les rémunérer à leur juste valeur.
Je rappelle que les syndics seront tenus à de nouvelles missions telles que notamment d’immatriculer les syndicats de copropriété, d’établir une fiche synthétique regroupant les données financières et techniques de la copropriété, d’ouvrir et de gérer autant de comptes séparés que de copropriétés gérées, même chose pour le dépôt des fonds de travaux obligatoires pour les copropriétés d’au moins dix lots, de mettre en place un extranet copropriété …

Comment percevez-vous la volonté du gouvernement de définir le contenu des contrats de syndic par décret ?
Comme une mesure de défiance, mais essentiellement comme une entrave à la liberté d’entreprendre. La vocation de toute entreprise prestataire de services est bien de proposer des services. Nos clients, consommateurs de ces services en sont de plus en plus demandeurs et prêts à en payer le juste prix dès lors qu’il s’agit de répondre à une demande ou à un besoin. En fixant le contenu d’un contrat de syndic par décret, je crains que le gouvernement entrave ce principe de libre prestation de services ainsi que les besoins de nos clients face aux évolutions technologiques notamment.

Foncia, premier opérateur de l’administration de biens, comptant en France, plus 600 agences en propre et plus de 100 en franchise, vient d’annoncer son retrait de la Fnaim. Comment réagissez-vous à ce départ ?
Sur les 600 agences dont vous faites état, 500 étaient adhérentes de la Fnaim et celles des 100 franchisées qui sont adhérentes, elles choisiront de rester Fnaim ou de nous quitter.
Face à la décision du Président de Foncia, j’ai une conviction, et elle ne variera pas : la profession est une et indivisible. Les groupes, les réseaux et les entreprises familiales et artisanales exercent les mêmes métiers, pour les mêmes clients, avec les mêmes règles. Face aux pouvoirs publics, face à l’opinion, notre légitimité tient à notre représentativité. Seul un syndicat rassembleur peut être entendu, et la Fnaim le démontre au cours de l’examen du projet de loi Alur. J’ai eu à souci, depuis le début de mon mandat, de fédérer inlassablement, jusqu’à associer à mes expressions publiques l’Unis, mais aussi des enseignes nationales.
Je déplore que le choix singulier de Foncia fasse courir le risque à la profession de paraître désunie. Le président de Foncia a pris là une lourde responsabilité, dont il sera comptable face à ses confrères. Au demeurant, cette décision choque la communauté immobilière, qui y voit un geste attentatoire à la solidarité professionnelle. Elle semblera, aux yeux des décideurs politiques, relever d’une logique personnelle, plutôt que de ressortir d’une stratégie à proprement parler.