[N°634] - La religion dans les prétoires - Religion et troubles de voisinage

par Edilaix
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Religion et troubles de voisinage


L’Association consistoriale israélite de Paris (ACIP) était propriétaire d’un lot situé au rez-de-chaussée d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et décrit dans le règlement comme constitué d’une «boutique et arrière-boutique», dans lequel elle organisait des activités culturelles et des offices religieux. Le syndicat des copropriétaires ayant, lors de plusieurs assemblées générales, autorisé le syndic à agir en justice afin qu’il soit mis fin à ces activités, l’ACIP a assigné le syndicat des copropriétaires en nullité de ces deux décisions. Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires a reconventionnellement demandé la condamnation de l’ACIP à restituer au lot litigieux son usage de boutique.

La cour d’appel avait constaté que le règlement de copropriété précisait que l’immeuble ne pouvait, en principe, être occupé que pour l’habitation ou l’exercice d’une profession libérale, les professions commerciales étant toutefois autorisées au rez-de-chaussée, à l’exception des restaurants, des débits de boisson, de tout commerce d’alimentation et de tous autres commerces entraînant des nuisances telles que les activités bruyantes ou gênantes par l’odeur, les trépidations, le bruit ou encore les activités justifiant une surprime d’assurance. Pour les juges, il résultait de ces dispositions que l’exercice d’une activité cultuelle n’était pas prohibé dans le lot considéré mais qu’elle ne devait pas entraîner des nuisances d’une ampleur qui rendrait cette activité contraire à la destination de l’immeuble. En l’espèce, le lot abritait désormais un «centre communautaire» dans lequel étaient régulièrement célébrés un culte religieux et des cérémonies qui impliquaient les allées et venues de nombreux fidèles à des heures matinales ou tardives, le bruit de chants, l’organisation de fêtes et de réceptions et étaient à l’origine de nuisances permanentes importantes du fait de réunions d’un nombre élevé de personnes, de nombreuses allées et venues dans les parties communes de l’immeuble, de rassemblements importants dans le hall d’entrée les jours de cérémonies religieuses, d’amoncellement de déchets dans le local poubelle, de nuisances sonores dues à la climatisation, la cour d’appel a pu déduire de ces seuls motifs, que «ces activités étaient contraires à la destination de l’immeuble au regard des dispositions […] du règlement de copropriété» (Cass. 3e civ., 16 septembre 2015, n° 14-14.518, inédit). 

Un constat dressé par huissier de justice avait établi la réalité de troubles causés aux autres occupants de l’immeuble par la pratique cultuelle exercée dans un appartement loué.  L’huissier a, en effet, constaté lui-même, à 19 heures 45, que d’un appartement situé à l’étage au-dessus de celui loué et en décalage avec cet appartement, il entendait distinctement des chants religieux entrecoupés de prières. L’huissier a également reçu les doléances d’une occupante d’un appartement de l’immeuble se plaignant de subir le bruit important de la chorale, des prières et des percussions provenant de l’appartement loué. Ce constat d’huissier est conforté par un courrier adressé par le syndic de la copropriété qui indique avoir reçu de nombreuses plaintes concernant son locataire à raison des réunions à caractère religieux entraînant d’importantes nuisances sonores pour l’ensemble de la résidence.

Jugé que «l’affirmation que les cérémonies religieuses ne se tiennent plus dans les lieux, ne prive pas le demandeur de sa légitimité à faire respecter la destination des lieux, l’habitation principale et non lieu de culte, et à faire cesser les troubles anormaux de voisinage dûment constatés, en faisant assortir cette injonction d’une astreinte provisoire» (CA Fort-de-France, 25 mai 2012, RG n° 10/005321).