Copropriété : La désignation d’un mandataire ad hoc selon l’article 56 du décret de 1967

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
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CE MOIS-CI DANS LA CHRONIQUE : LE CONTENTIEUX DU MOIS

Ou la prévention des conflits d’intérêts entre le syndic, le constructeur et le syndicat. Dès son origine, la loi de 1965 a permis au constructeur de l’immeuble en copropriété et aux personnes qui lui étaient liées («aujourd’hui, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, le concubin, leurs commettants ou employeurs, leurs préposés, leurs parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclus») ayant directement ou indirectement participé à la construction de l’immeuble, d’être syndic. Elle ne l’a toutefois permis qu’avec suspicion, lui interdisant, pendant dix ans, de voir son mandat renouvelé pour une durée supérieure à un an (art. 28, D. 1967). 

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 682 d'octobre 2022

En outre, lorsqu’une telle personne est désignée syndic, afin d’éviter les conflits d’intérêts pouvant résulter de cette situation, il a été prévu un mécanisme permettant la représentation en justice du syndicat par un tiers lorsque celui-ci est partie à une instance relative à l’exécution de la construction de l’immeuble, aux garanties dues ou aux responsabilités encourues à cette occasion.

En ces cas, l’article 56 du décret du 17 mars 1967 permet à «tout intéressé», et non simplement aux copropriétaires, de demander au président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble (art. 61-1, d. 1967), de désigner un mandataire ad hoc pour ester en justice au nom du syndicat. Ainsi, toute entreprise, tout assureur, comme tout copropriétaire, pourra solliciter par ministère d’avocat la désignation de ce mandataire ad hoc. La procédure doit être simple, le conflit d’intérêts étant présumé, puisque le président du tribunal judiciaire statuera sur requête. Aucun débat contradictoire n’aura donc lieu. Il suffira en conséquence, pour obtenir la désignation du mandataire ad hoc, de démontrer la réalisation des conditions cumulatives de l’article 56 (CA Aix-en-Provence, ch. 01 C, 13 juin 2013, n° 12/14119) et identiques à celle de l’article 26 du décret : un lien entre le syndic et le constructeur d’une part, et la participation directe ou indirecte du premier à l’opération de construction du second. Aussi, malgré cette simplicité, il ne sera pas possible pour l’assemblée générale de décider de la désignation d’un tel mandataire dès lors que la seule possibilité visée par le texte est celle de la désignation judiciaire (V. en ce sens, Cass. 3e civ., 4 nov. 2009, n° 07-17.618).

Pour éviter des difficultés procédurales, sera utilement définie dans la requête la procédure ainsi que la juridiction devant laquelle le syndicat sera partie, ce afin de parfaitement définir la mission du mandataire (V. sur de telles difficultés, Cass. 3e civ., 21 mai 2003, n° 01-12.107).

Une fois désigné, le mandataire ad hoc aura alors pour seule mission : la représentation du syndicat en justice. Il devrait ainsi avoir le pouvoir de choisir le conseil du syndicat et c’est à lui que ce dernier devra rendre compte de l’évolution de la procédure. 

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

 Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit

 
©Sébastien Dolidon / Edilaix