QPC et droit de la copropriété

par Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit
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Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

À étudier la liste des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) auxquelles le Conseil constitutionnel a répondu, il est possible de constater qu’une seule décision a été rendue en matière de copropriété, et encore elle ne le fut qu’à propos de l’article L. 433-15 du CCH (décision n° 2014-409 QPC du 11 juillet 2014).

C’est un très faible bilan d’autant que de nombreuses questions pourraient être pertinentes.

Par exemple, les obligations instituées de mise à jour du règlement de copropriété par la loi ELAN (art. 206 et 209) et les éventuelles conséquences qui seront attachées à leur non-exécution pourraient être questionnées afin de déterminer si elles ne portent pas une atteinte à un droit ou liberté, en particulier celui de propriété, que la Constitution garantit.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 661 de septembre 2020

Ce questionnement serait tout aussi utile que simple à mettre en œuvre selon le mécanisme prévu par l’article 61-1 de la Constitution et précisé par la loi n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 modifiant l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.

La QCP peut être formulée à propos d’une disposition légale, mais non règlementaire (Cass. civ. 2e, 17 sept. 2015, n° 15-10.497), ou d’une jurisprudence constante interprétant une disposition légale (CC, 6 oct. 2010, n° 2010-39 QPC). Elle doit l’être devant une juridiction à l’occasion d’une instance mais peut l’être en première instance, en appel comme en cassation (art. 23-1, Ord. 1958). En ce sens il ne s’agit pas d’une exception de procédure mais d’un moyen de défense spécial qui doit faire l’objet d’un jeu d’écriture, même si la procédure est orale, et ce à peine d’irrecevabilité devant être relevée d’office par le juge (CPC, art. 126-2), distinct et motivé (art. 23-1, Ord. 1958).

Au terme d’un débat contradictoire, le juge du fond saisi décidera de transmettre, totalement, partiellement (Cass. civ. 2e, 19 janv. 2017, n° 16-40.244), ou non la question à la Haute juridiction de son ordre. Sauf exception, si la question est transmise, la juridiction doit sursoir à statuer jusqu’à réception de la décision finale.

A compter de cette décision, la procédure doit suivre un calendrier précis assurant un traitement rapide : elle doit être adressée à la Haute Juridiction dans les huit jours de son prononcé (Art. 23-2 et 23-6, Ord. 1958) ce qui ouvre un délai de trois mois au cours duquel doit intervenir la réponse ; à défaut, la question est transmise de plein droit au Conseil constitutionnel (art. 23,7, ord. 1958 ; CC, 15 févr. 2012, n° 2012-237 QPC). Une fois acquise, la transmission doit être effectuée dans un délai de huit jours qui ouvrira, à nouveau, un délai de trois mois durant lequel le Conseil devra se prononcer (art. 23-10, ord. 1958) après la tenue d’une audience en principe publique.

Après examen de la recevabilité de la question et de sa motivation, le Conseil pourra déclarer l’inconstitutionnalité, le cas échéant, de la disposition discutée ce qui l’abrogera à compter de la publication de la décision ou une date ultérieure fixée par elle. Cette décision n’est pas susceptible de recours (art. 62, Constitution).

Au regard des effets produits par cette brève procédure, il paraît donc utile que les avocats œuvrant en droit de la copropriété, s’en saisissent afin de passer le droit de la copropriété au crible de la Constitution. Peut-être cela pourrait-il guérir le droit de la copropriété mais également des associations syndicales des quelques fluxions qui les encombrent.

 

Pierre-Edouard Lagraulet

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit