[N°642] - In memoriam, Pierre Capoulade (2) - Patrice Lebatteux

par Edilaix
Affichages : 16041

Index de l'article

«Les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires. Leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d’un conseil syndical».
Cet article 17 de la loi de 1965 ne résume pas Pierre Capoulade mais il porte la marque de son caractère : clarté, concision, exhaustivité.
Savoir tout dire en peu de mots qui sont le fruit d’une réflexion intense : Pierre Capoulade détestait l’approximation et le laisser-aller, sources d’ambiguïtés permanentes. Il rappelait à tous que la langue française est riche de mots différents mais qu’en matière de droit, il n’y avait pas de synonymes.
Pierre Capoulade aura consacré l’essentiel de son activité au droit de la copropriété, un droit fondamental dans la cité moderne. Ce n’est sans doute pas le fruit du hasard si l’un des ouvrages dirigé et cosigné par Pierre Capoulade s’intitule La copropriété dans la cité. L’Abbé Pierre a dit : «le droit de la propriété est à la fois sacré et limité : limité par le bien commun, il ne peut jamais être invoqué contre le bien commun».
La loi sur la copropriété a été voulue et rédigée pour assurer un équilibre entre le principe de la propriété et le principe de l’intérêt commun. Il s’agissait là d’un sacré défi relevé par deux hommes exceptionnels : Jean Foyer, Garde des Sceaux, et Pierre Capoulade, directeur du bureau immobilier de la Chancellerie.
Pierre Capoulade fut, non seulement, coauteur de la loi de 1965 (le fond) mais également le rédacteur du décret de 1967 (la forme). D’aucuns ont reproché au magistrat un excès de formalisme que les professionnels ont parfois du mal à respecter ; pourtant, combien ce formalisme est nécessaire : Albert Zurfluh dans son traité La Copropriété Immobilière sorti dans la foulée du décret de 1967 avait justement écrit : «la copropriété étant une indivision forcée ne pouvait dès lors fonctionner qu’en se dotant de règles strictes». Ici le fond et la forme sont indissociables. Il fut également l’auteur d’un ouvrage demeuré d’actualité, intitulé Les professions immobilières, avant de succéder au Professeur Givord pour la mise à jour du traité que ce dernier avait écrit avec Claude Giverdon et dont la neuvième édition a été publiée en mai 2018 avec le concours du Professeur Tomasin, de Jean-Marc Roux et de Florence Bayard-Jammes, perpétuant de la sorte les idées et le nom des fondateurs.
Mais Pierre Capoulade ne fut pas seulement l’auteur, le compositeur et l’interprète de la loi sur la copropriété. Il a été également un «transmetteur d’idées» : à l’ICH aux côtés du Professeur Liet-Veaux  où il enseigna la déontologie des professions de l’immobilier pendant plus de trente ans, à l’Ecole Nationale de la Magistrature ou chez les Notaires.
Enfin, nous avons eu le grand privilège de sa participation sans cesse renouvelée au sein de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété (CNEC) qui lui doit une grande part de sa renommée. Il y fit preuve de courtoisie, d’indulgence et d’autorité souriante.
Pour ma part, je garderai en mémoire l’image de son visage à l’écoute des uns et des autres lorsqu’il présidait nos travaux ou participait à toute autre manifestation : il affichait un petit sourire qui encadrait une bouche gourmande comme s’il s’était attablé devant quelque met rare et raffiné. Pierre Capoulade, le gourmet de la pensée juridique.
Patrice Lebatteux,
Avocat, président de la CNEC