[N°621] - Tribune : La copropriété à l'épreuve de la blockchain

par Bertrand WEHRLE-DETROYE
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Et si la blockchain (chaîne de blocs) permettait de nombreuses automatisations rendues à ce jour nécessaires pour orienter le métier de syndics vers plus de qualité et de valeur ? Les rares sources sur cette technologie sont unanimes : elle est complexe à expliquer. Essayons de la comprendre sans présupposés.

 

Bertrand Wehrle-Detroye, syndic de copropriété, président de ID SDC

La blockchain, qu’est-ce que c’est ?

Comment définir cette technologie sans se perdre dans les méandres techniques ?
Il s’agit d’une base de données partagée et sécurisée sans serveur central. Les transactions sont effectuées par bloc et chaque vérificateur (appelé mineur) participe par sa puissance de calcul à la vérification des transactions du bloc pour leur validation. Une fois validé, le bloc est uni à la chaîne – les blocs successivement vérifiés et validés sont enchaînés et forment la blockchain infalsifiable. Certains auteurs ont utilisé l’image d’un grand livre de comptabilité publique consultable par tous.
L’innovation est systémique. Elle sait répondre avec cohérence aux valeurs actuelles. L’absence d’un organe central au profit d’une multiplicité d’entités renforce la sécurité des transactions et nourrit une transparence absolue devenant incontournable. Les processus contractuels sont raccourcis par la suppression des tiers de confiance tels que nous les connaissons (banques, notaires, syndics).
Pour corrompre un tel système, les spécialistes précisent qu’il faudrait vicier plus de 51 % des unités de calculs (mineurs) en même temps, ce qui semble techniquement et financièrement impossible.
Il est prodigieux d’imaginer que les valeurs sociétales émergentes que sont le partage, la volonté participative et la transversalité se dupliquent dans l’écosystème numérique. Nous gagnons du temps, les intermédiaires, non indispensables, sont “disruptés”.


Les contrats autonomes

L’essentiel des flux est issu des contrats, c’est-à-dire d’un engagement liant au moins deux parties. Les contrats écrits ont perdu beaucoup de leur efficacité ; d’abord par l’usure d’un consensualisme juridique qui n’a plus que le nom, ensuite, par une déresponsabilisation progressive des parties, enfin par une sanction judiciaire qui peine à s’appliquer tant par le temps de mise en œuvre que par l’application de mesures exécutoires laborieuses.
Or, ici le contrat s’automatise, c’est l’avènement des contrats automatiques (Smarts contracts). La société “Slock. it”, par exemple, développe des serrures intelligentes liées au réseau blockchain. La première phrase visible sur le site est : «Rent, sell or share anything - without middlemen» (Louer, vendre ou partager sans intermédaires).
L’automatisation des contrats est rendue possible par une simple formule conditionnelle : si le cocontractant identifié A verse un flux de 100 au contractant B alors, il peut rentrer pendant dans l’appartement 125 dont la serrure est connectée au réseau.
La technologie blockchain automatise les contrats. La construction juridique future va devoir intégrer cette dimension numérique et revoir ses modèles.


Application
à la copropriété

Initialement, il s’agissait de gérer des transmissions de crypto-monnaie (“Bitcoin”, version complétée ultérieurement par d’autres “Altcoin” (Alternative Coin) tel que l’“Ether”,...) mais l’application de cette nouvelle technologie a intéressé progressivement de grands domaines économiques (la banque, l’assurance, l’énergie, la propriété foncière,...).

Finalement, qu’est ce qui empêcherait d’utiliser cette technologie dans le monde de la copropriété ? RIEN.

A ce jour, les limitations essentiellement sont celles liées à la masse d’informations et au délai de validation des transactions mais il existe un vif désir de faire progresser cette blockchain. Les obstacles d’aujourd’hui seront franchis grâce aux solutions de demain.
La blockchain permettrait de nombreuses automatisations à ce jour nécessaires et demain indispensables pour orienter le métier vers plus de qualité et de valeur.
Elle permettrait également d’automatiser les flux tant rentrants (fonds des copropriétaires, indemnité d’assurance, loyers) que sortants (règlement des partenaires fournisseurs sur la base des contrats ou des commandes) avec une accessibilité universelle. En outre, la blockchain ne pourrait-elle pas être utilisée pour certifier les votes ?
Nous pouvons avoir peur, faire de la résistance, se dire que c’était mieux avant ! Mais le “big data” et le “digital world” poussent tous les domaines économiques à se remettre en question. La valeur temporelle est essentielle pour demain : comment utiliser son temps avec intelligence – notamment en automatisant bon nombre de processus archaïques et en raccourcissant les délais d’action ? Il y eu successivement l’époque du hardware, du software, d’Internet, du Cloud et bientôt ce sera l’environnement numérique connecté et automatisé.

Sources :
https://blockchainfrance.net/

• https://slock.it/

• Livre “La Blockchain décryptée, les clefs d’une révolution”, Netexpo Observatory, blockchain France.

• Presse : Dossier du Monde en date du mardi 19 avril 2016 “Espoirs et vertiges de la révolution «blokchain»”