[N°623] - Entretien avec Nathalie Appéré, présidente de l'ANAH

par YS
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Immatriculation des syndicats de copropriétaires : «Une meilleure connaissance du parc privé»

Nathalie Appéré a été nommée présidente de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) en juin 2015. Députée d’Ille-et-Vilaine depuis juin 2012, Nathalie Appéré est élue maire de Rennes en 2014. Elle est également membre de la Commission des lois et co-présidente du groupe d’études «Villes et banlieues» à l’Assemblée nationale. En octobre 2016, l’ANAH a décidé d’apporter une aide accrue aux copropriétés fragiles et aux copropriétés en difficulté. L’occasion de faire un point sur les actions de l’ANAH, avec sa présidente.

Quel est le rôle de l’ANAH en faveur des copropriétés ? 

L’action de l’ANAH porte non seulement sur le financement des travaux de réhabilitation mais également sur le fonctionnement de la copropriété elle-même. Les aides aux travaux collectifs sont d’abord les aides aux syndicats des copropriétaires. En 2015, l’ANAH a distribué des aides pour 17 027 logements pour un montant total de 58,1 millions d’euros : 14 444 logements en aides collectives en faveur de 380 syndicats des copropriétaires pour 46,4 millions d’euros ; 2 583 logements en aides individuelles, pour un montant de 11,7 millions d’euros.

Quelles sont les modalités permettant aux copropriétaires ou aux syndicats de copropriétaires de recourir aux aides de l’ANAH ?
Les aides aux syndicats de copropriétaires interviennent dans le cadre de procédures de type OPAH ou plans de sauvegarde initiés par la puissance publique ou par une collectivité. Elles rendent possible la réalisation des projets de travaux indispensables à leur redressement, sur la base d’un diagnostic technique et social approfondi et d’une ingénierie financière fine.
Il est possible de «mixer» les aides collectives avec des aides individuelles pour que les copropriétaires très modestes puissent voir réduire leur reste à charge et votent ainsi les travaux.
En dehors de ces situations, les aides individuelles pour les copropriétaires ayant de petits revenus sont disponibles pour lutter contre la précarité énergétique contre l’habitat indigne ou très dégradé (programme «Habiter mieux»), pour l’adaptation des logements à la perte d’autonomie, ou en faveur des bailleurs pour le développement d’une offre de logements à loyers maîtrisés, qui font l’objet d’un conventionnement avec l’ANAH.

Quelles sont les aides apportées plus précisément au redressement des copropriétés fragiles ou en difficulté ?

Ces qualificatifs sont importants à distinguer ; quand on parle de copropriété fragile ou en difficulté, on parle de deux situations, de deux réalités différentes : c’est pourquoi les moyens à mobiliser pour parvenir au redressement de la situation ne seront pas les mêmes. C’est l’occasion pour moi, de redire l’importance de la prévention pour cet habitat collectif privé. Par exemple l’outil de Veille et d’observation des copropriétés (VOC) proposé aux collectivités par l’ANAH permet de mieux connaître la nature et l’intensité des difficultés auxquelles sont confrontées les copropriétés. Ces informations aident les collectivités à construire une stratégie globale pour agir en prévention. En complément, le Programme opérationnel de prévention et d’accompagnement des copropriétés (POPAC) est également dans la palette des outils pour agir dès l’apparition des difficultés afin de réduire au minimum l’intervention publique. Enfin, en octobre le Conseil d’administration de l’ANAH que je préside a voté à l’unanimité l’extension du programme “Habiter Mieux” aux copropriétés fragiles pour leur permettre d’accélérer l’engagement de travaux de rénovation énergétique. Cette nouvelle aide comprend une prise en charge pour financer l’accompagnement de la copropriété ainsi qu’une aide aux travaux permettant un gain énergétique de 35%.
Les copropriétés vraiment en difficulté ont, elles, besoin de procédures lourdes, de longue haleine et de savoir-faire très spécifique. En 2014, la loi ALUR a créé les outils et les procédures judiciaires pour intervenir plus efficacement dans les copropriétés dégradées. Et, plus récemment, je me félicite du vote du Conseil d’administration de l’ANAH en faveur d’une nouvelle aide financière à l’ingénierie des opérations de «portage ciblé»: ce type d’opérations permet le rachat, le plus souvent par un organisme HLM, du logement le temps d’y réaliser les travaux nécessaires et de redresser les comptes de la copropriété.

En dehors des aides financières, l’ANAH est-elle en mesure d’accompagner le redressement des copropriétés ?

L’ANAH agit pour l’amélioration du parc de logements privés depuis 45 ans ; la connaissance qu’elle a de ce parc est unique. Elle a participé à l’élaboration d’un outil pour établir les niveaux de fragilité sur la base du revenu des ménages occupants, de la vacance, de la sur-occupation et de l’état technique du bâti. Cet outil permet le repérage des copropriétés fragiles. Il donne une vision assez précise de la fragilité jusqu’à l’échelle de la section cadastrale sur près de la totalité du parc privé. Cet outil est très utile aux collectivités pour savoir où elles sont susceptibles d’intervenir avant que la situation ne dégénère.
Enfin, l’ANAH a été désignée teneur du registre des copropriétés ; il est ouvert depuis le 1er novembre. Tout son intérêt réside dans les données recueillies qui apporteront une meilleure connaissance de ce parc immobilier. Cette connaissance est nécessaire aux collectivités pour développer des actions de prévention, d’accompagnement voire de redressement.

Zoom sur le financement de l’ANAH
En 2016, le budget de l’Agence est de 701 millions d’euros auxquels s’ajoutent 140 millions d’euros du Fonds d’aide à la rénovation thermique (Fart) pour le versement des primes du programme Habiter mieux.
Les sources de financement de l’ANAH sont :
- La vente aux enchères des quotas carbone pour 343,3 millions d’euros ;
- La taxe sur les logements vacants pour 19,1 millions d’euros ;
- La contribution des fournisseurs d’énergie au programme «Habiter Mieux» estimée à 59,4 millions d’euros en contrepartie de la délivrance de Certificats d’économies d’énergie (CEE) ;
- Action Logement contribue à hauteur de 50 millions d’euros par an au financement de l’ANAH. Par convention signée en juin 2016, l’apport financier est doublé en 2016 et en 2017.
- Enfin, le budget de l’Agence est abondé de 20 millions d’euros provenant de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).