[N°622] - Entretien avec Véronique Bacot-Réaume

par YS
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«L’obligation d’immatriculation n’est pas perçue positivement par la profession.»

Véronique Bacot-Réaume est administrateur de biens en Ile-de-France, expert de Justice près la cour d’appel de Versailles. Elle est membre de la Commission nationale de l’administration de biens de la FNAIM et membre de la Chambre nationale des experts en copropriété.
Elle exerce, en outre, comme formateur-consultant pour les métiers de l’immobilier.
Elle répond à nos questions relatives aux conditions d’exercice de la profession, issues des dispositions de la loi ALUR.
©DR


En quoi la réforme initiée par la loi ALUR a-t-elle changé la pratique professionnelle des syndics de copropriété ?

«La loi ALUR a pour conséquence la “professionnalisation” du métier de syndic et un renforcement de la transparence, ce dont on ne peut que se féliciter.
En revanche, l’importance et le nombre de nouvelles tâches nécessitent souvent une réorganisation des cabinets et un accroissement des charges, sans que les protagonistes directement intéressés en comprennent la finalité.
Les syndics vont devoir intégrer l’importance de la pédagogie dans les relations avec les copropriétaires, notamment pour les informer des obligations à venir et du coût financier qui y est associé (fonds de travaux, diagnostic technique global, etc.)
L’informatisation est indispensable et génère un surcoût financier, ainsi que l’obligation de dégager du temps pour les formations.
Les syndics constatent une dépendance par rapport à la réactivité de leurs fournisseurs informatiques et sont sous la pression de la bonne marche de cet outil. Ils ont également vu augmenter considérablement le montant de leurs charges liées à l’informatique.»

Plus généralement quelles sont les évolutions notables du métier de syndic ?

«L’importance du volet administratif ainsi que toutes les nouvelles règles à mettre en œuvre (mise en concurrence, extranet, immatriculation, formation, etc.) ont pour conséquence de réduire le temps disponible des gestionnaires pour le volet technique (visite d’immeuble,…) ainsi que pour le volet humain et relationnel.
Cela pose la question fondamentale de ce que les copropriétaires attendent de leur syndic et la relation humaine  qui doit rester prépondérante dans la hiérarchie des tâches.»

Selon vous, quels sont les axes, législatifs ou règlementaires, qui justifieraient une modification ou du moins une adaptation du statut de la copropriété ?

«Avant tout, il faut laisser aux acteurs du monde de la copropriété que sont les syndics mais aussi les copropriétaires, le temps d’intégrer toutes les dispositions nouvelles, et notamment celles qui vont entrer en vigueur à partir de 2017.
À l’instar de l’importance du travail que constitue la mise en place des fonds de travaux en particulier avec l’ouverture de comptes spécifiques à ces fonds et leur gestion ; cela n’a pas été mesuré par le législateur.
La tendance à vouloir modifier un texte avant même qu’il n’ait été appliqué est très dangereuse et provoque de la défiance. On peut citer l’exemple de la Commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières (CNTGI).
Sur le plan opérationnel, il serait judicieux d’envisager un statut particulier pour la gestion des petites copropriétés en permettant la collaboration d’un syndic bénévole avec un professionnel qui assurerait des prestations de services au profit du syndicat. Ceci nécessiterait une modification de l’article 18 [de la loi du 10 juillet 1965, ndlr] en permettant la délégation de certaines tâches par le syndic à un tiers.
Pour éviter ce que l’on voit en pratique, à savoir que des copropriétaires de mauvaise foi utilisent le recours contre les assemblées générales pour ne pas payer leurs charges ou appels, on pourrait envisager que le préalable à une action soit l’obligation d’être à jour dans les comptes. Si le copropriétaire voyait ses prétentions reconnues par le tribunal, il serait procédé à un remboursement des fonds ; à défaut, les charges ou les autres sommes dues au syndicat auraient déjà été payées et l’instance n’aurait pas de conséquence sur la trésorerie du syndicat.
Il faudrait également une réelle prise de conscience des acquéreurs quant aux charges qu’ils auront à assumer ainsi que pour les travaux à venir de manière à ne pas être freiné dans les prises de décision concernant les travaux, faute de disponibilités. La loi ALUR a renforcé l’obligation d’information, mais il n’est pas certain que les acquéreurs soient à même d’appréhender l’importance des éléments transmis.»

Le décret sur l’immatriculation des syndicats est paru au journal officiel. Il place le syndic au cœur du nouveau dispositif. Quel est votre regard sur ce texte ?

«La publication du décret sur les modalités d’immatriculation a été faite tardivement. Les prestataires informatiques et les syndics ont peu de temps pour s’imprégner de ces dispositions avant leur mise en œuvre.
Certes, il existe des dates d’entrée en vigueur différentes selon l’importance de la copropriété mais il y a tout lieu de penser que lorsqu’un cabinet immobilier va démarrer les opérations d’immatriculation, il le fera pour tous les syndicats sans vraiment tenir compte du nombre de lots.
La mise en œuvre sera très lourde à gérer et d’autant plus difficile que sa finalité, son incidence et la valeur ajoutée ne sont pas clairement perçus par les copropriétaires et les professionnels.»

Comment seront traitées les données fournies chaque année ? Quelles seront les conséquences de cette transmission, notamment lorsque le seuil de 25 % d’impayés sera dépassé et que le syndic n’aura pas saisi le tribunal ?

«Cette obligation n’est pas perçue positivement par la profession. Le métier de syndic est extrêmement éclectique et intéressant, mais il faut que les pouvoirs publics aient bien conscience que le professionnel doit avoir le temps d’exercer son métier de base sans être englué dans des démarches surdimensionnées et parfois stériles.»