[N°627] - La copropriété à l'heure du numérique

par Julie HAINAUT
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Index de l'article

La tendance actuelle est à la dématérialisation. L’immobilier en général et la copropriété en particulier, n’y échappent pas. La loi ALUR a d’ailleurs donné une impulsion forte dans ce domaine.

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Le 23 novembre dernier, Bernard Vorms, président du CNTGI (Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilière), a remis à Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable, un rapport intitulé «La révolution numérique et le marché du logement : Nouveaux usages, nouveaux acteurs, nouveaux enjeux». Ce rapport avait été commandé par le ministère dans le but de préparer l’avenir de la profession immobilière face à l’actuelle révolution numérique. «La révolution numérique transforme l’économie dans son ensemble et va continuer de la transformer profondément. Le marché du logement n’échappe pas à cette lame de fond. Comme sur les autres marchés qui ont vu l’irruption du numérique bouleverser les usages, les pouvoir publics doivent lever les freins à l’innovation afin de permettre aux acteurs les plus dynamiques et aux consommateurs de tirer pleinement parti des progrès technologiques» explique Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie.

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L’envoi de documents

Le fonctionnement parfois complexe d’une copropriété peut entraîner des coûts importants, notamment liés aux frais d’envoi des convocations d’assemblée générale, des notifications de procès-verbaux d’assemblées générales ou des mises en demeures. Le décret du 21 octobre 2015 relatif à la dématérialisation des notifications et des mises en demeure concernant les immeubles soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, ouvre la possibilité de procéder à ces envois par voie électronique. La possibilité d’envoi numérique n’existe que pour ces deux cas. Les appels de fonds, par exemple, ne peuvent être envoyés via ce biais, même si les copropriétaires donnent leur consentement. Ils doivent être envoyés par le syndic par lettre simple (article 35-2 du décret du 17 mars 1967). Ainsi, si un appel de fonds est envoyé de manière électronique, il sera inopposable au copropriétaire, lequel pourrait contester.

Le décret précité complète l’article 32 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis afin que le syndic dispose d’une adresse électronique actualisée des copropriétaires souhaitant bénéficier de la dématérialisation des envois. Il modifie également l’article 64 du décret de 1967, supprimant la référence à la télécopie et crée de nouveaux articles précisant les modalités et conditions de mise en œuvre de cette dématérialisation. Ainsi, l’article 64-1 du même décret précise que lorsque l’accord exprès du copropriétaire n’est pas formulé en assemblée générale, le copropriétaire peut le communiquer au syndic par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre recommandée électronique. Elles ont, toutes deux, la même valeur juridique. L’article 64-2 affirme, quant à lui, que le copropriétaire peut, quand il le souhaite, notifier au syndic qu’il refuse comme c’était le cas auparavant, d’être rendu destinataire des notifications ou des mises en demeure par voie électronique, en adressant une lettre recommandée avec accusé de réception ou une lettre recommandée électronique.

Deux autres dispositions sont insérées dans le dévret de 1967. En effet, l’article 64-3 précise que «les notifications et mises en demeure par voie électronique peuvent être effectuées par lettre recommandée électronique dans les conditions définies à l’article 1369-8 du Code civil. Dans ce cas, le délai qu’elles font courir, a pour point de départ le lendemain de l’envoi au destinataire, par le tiers chargé de son acheminement, du courrier électronique prévu au premier alinéa de l’article 3 du décret n° 2011-144 du 2 février 2011 relatif à l’envoi d’une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat. Dans le cas où il est fait application des articles 4 et 5 du même décret, le délai court à compter du lendemain de la première présentation de la lettre recommandée électronique imprimée sur papier avec demande d’avis de réception au domicile du destinataire.» L’article 64-4 énonce que «les articles 64-1 à 64-3 sont applicables lorsqu’un administrateur provisoire est désigné en application de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée ou lorsque l’assemblée générale est convoquée par le président du conseil syndical ou par un copropriétaire dans les conditions définies aux articles 8 et 50.»

L’article 65, modifié par le décret précité, spécifie que les copropriétaires, ayant au préalable manifesté leur accord pour recevoir des notifications et mises en demeure par voie dématérialisée, notifient au syndic leur adresse électronique. Attention : pour notifier les documents de manière dématérialisée, le syndic doit ainsi obtenir le consentement exprès du copropriétaire, qui doit être donné en amont de l’envoi électronique.

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L'extranet

La loi ALUR oblige, depuis le 1er janvier 2015, les syndics professionnels à fournir aux copropriétaires des immeubles qu’ils gèrent un “extranet copropriétaire”, également appelé “espace connecté de copropriété”, à savoir un espace individuel privé et sécurisé, relié à Internet, sur lequel chaque copropriétaire peut consulter les documents de la copropriété. Le niveau d’information sera différent selon le profil du copropriétaire, à savoir s’il est membre du conseil syndical ou seulement copropriétaire.

Cependant, le syndicat des copropriétaires peut s’opposer à la mise en place de cet espace connecté en assemblée générale (majorité de l’article 25) ce qui, dans les faits, est très rare. Les syndics bénévoles, non soumis à cette obligation, peuvent néanmoins opter pour ce type de plateforme, notamment via Copromatic, logiciel qui permet une consultation comptable et administrative claire pour le copropriétaire, qui peut configurer comme bon lui semble (mettre à jour ses préférences d’envoi de courrier, choisir de passer en tout numérique, par exemple).


L'archivage

Le syndic détient les archives de la copropriété, à savoir le règlement de copropriété, la liste des copropriétaires, les documents comptables, les registres de procès-verbaux d’assemblées générales, les plans, les correspondances… Tout ce qui a trait à l’immeuble en question et au syndicat. Il a pour obligation de les conserver le temps de son mandat et les remettre, si les copropriétaires décident de changer de syndic, au nouveau syndic. Aucune dérogation n’est envisageable. L’article L. 211-1 du Code du patrimoine, modifié par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, précise que «les archives sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale…» Il existe une multitude de pièces administratives et comptables, dont la liste ne pourrait être dressée. L’heure du tout numérique permettrait d’archiver tous ces documents sans limite de conservation dans le temps. Le risque ? Que les syndics ne soient pas dotés d’outils informatiques compatibles permettant de stocker à l’infini ces archives.

Comme l’affirme Nathalie Figuière-Brocard (Inf. rap. copr. n° 624, L’archivage à l’ère du numérique), «l’archivage numérique en vue d’une exploitation sur l’extranet de la copropriété, est sans conteste une facilité pour des copropriétaires non-résidents, car il permet une gestion à distance de son bien 24h/24. Mais son intérêt se cristallise sur les seuls bénéficiaires d’une connexion Internet.»


L'immatriculation

Elle est désormais obligatoire et se doit d’être dématérialisée.

La loi ALUR complète le Code de la construction et de l’habitation (CCH) et a imposé désormais l’immatriculation des copropriétés au 31 décembre 2016 pour les copropriétés de plus de 200 lots. Obligation au 31 décembre 2017 pour celles de plus de 50 lots et au 31 décembre 2018 pour les plus petites. Un registre national d’immatriculation des copropriétés (RNCP) géré par l’ANAH (article 52 et 53 de la loi ALUR) a donc été créé. L’objectif de la disposition est de «lutter contre l’habitat indigne, les copropriétés dégradées et faciliter une connaissance globale des pouvoirs publics». «Simple d’utilisation et innovant», selon le ministère du logement, il a pour but de «permettre de mieux connaître le parc de copropriétés, ses caractéristiques (nombre, localisation, taille, âge) et son état afin notamment de permettre aux pouvoirs publics de mieux comprendre les processus de fragilisation des copropriétés, pour intervenir dès les premières difficultés.» Il doit également «permettre de disposer d’éléments de comparaison des charges, utiles aux syndics et aux copropriétaires dans la gestion quotidienne et prospective de leurs copropriétés et favorisant une meilleure information des futurs acquéreurs».

Les annonces immobilières doivent également désormais préciser si le lot mis en vente est soumis au statut de la copropriété, le montant annuel des charges, le nombre de lots, et si le syndicat des copropriétaires fait l’objet de procédures liées aux copropriétés en difficulté. De plus, un copropriétaire peut désormais mettre en demeure le syndic de procéder à l’immatriculation ou à la mise à jour des informations si celui-ci tarde à le faire. Si la demande est faite par l’ANAH au syndic et sans action de sa part un mois après la mise en demeure, le syndic risque une astreinte de 20 € par lot et par semaine de retard, une somme non imputable aux copropriétaires (sauf si le syndic est bénévole). En outre, le syndicat ne pourra bénéficier d’aucune subvention publique.

Ce nouveau registre s’articule autour d’un site internet dédié, et ce depuis le 1er novembre 2016 : www.registre-coproprietes.gouv.fr.

C’est au syndic qu’il revient de réaliser les formalités d’immatriculation. Il peut ainsi prétendre à rémunération, puisque cela correspond à une prestation particulière pour l’immatriculation initiale du syndicat. Il met à jour les données financières une fois par an, et dans les deux mois suivant la tenue de l’assemblée générale au cours de laquelle les comptes de l’exercice clos ont été approuvés.

Avant de s’immatriculer, le syndic doit créer un compte de télédéclarant sur le site dédié. Il peut, ensuite, opter pour une télédéclaration par saisie manuelle ou en utilisant un logiciel de gestion (si compatible avec le site). La connexion sur le site se fait ensuite par le biais d’une authentification élevée et sûre (certificat d’authentification de profil Serveur, niveau RGS), qui apporte des garanties importantes en terme de sécurité, indispensable à l’heure où les attaques informatiques sont courantes. Le premier compte créé est dit inactif, le télédéclarant devant attendre le code envoyé par l’ANAH à l’adresse postale fournie en amont, dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande. Passé ce délai, le compte est supprimé et la démarche doit être refaite. Une fois le code reçu, le syndic télédéclarant accède à son compte en indiquant son adresse électronique et son mot de passe. Il peut modifier les données de son compte à tout moment, sauf sa civilité, son nom et son prénom. Si cette modification est néanmoins nécessaire, il devra en faire la demande à l’ANAH qui pourra alors demander des justificatifs. Une fois l’immatriculation effectuée, l’ANAH attribue un numéro national unique à la copropriété, lequel sera mentionné dans l’acte de vente des lots de copropriété. La consultation en ligne de principaux documents de la copropriété sera possible mais dans des conditions propres à chacun.
L’arrêté du 10 octobre 2016 relatif au traitement de données à caractère personnel intitulé “registre national d’immatriculation des syndicats de copropriétaires” pris en application des articles R. 711-1 à R. 711-21 du CCH, et paru au JO du 26 octobre 2016 afin de compléter le décret du 26 août 2016, précise, entre autres, que le seuil de dette à prendre en considération pour calculer le nombre de copropriétaires débiteurs est fixé à 300 €.
Concernant la conservation des données, les pièces justificatives fournies pour la demande de rattachement sont conservées six mois, l’attestation d’immatriculation initiale  sans délai jusqu’à la dissolution éventuelle du syndicat des copropriétaires, l’attestation de dissolution pendant trois ans après la date du fait générateur de la dissolution, et les attestations de mise à jour annuelle du dossier d’immatriculation pendant cinq ans suivant leur établissement.